Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

un temps. Je rappelle toutes ces époques et ces faits épars dans ces Mémoires, pour les remettre tous à la fois sous les yeux, et montrer les raisons de la conduite que le duc de Beauvilliers me fit observer, de concert avec le prince.

Je ne le voyois chez lui, aux heures de cour que rarement et courtement, assez pour qu’il ne parût rien d’affecté, assez peu pour qu’on ne pût soupçonner non-seulement privance, mais même aucun dessein de m’approcher de lui ; en tout plus de négligence que de cour. Par cette raison le prince me distinguoit peu chez lui, et ne me donnoit guère au delà de ce qu’il avoit accoutumé aux gens de ma sorte ; mais souvent un coup d’œil expressif, un sourire à la dérobée m’en disoit tout ce que j’en désirois savoir.

Outre la transcendance d’être sans cesse porté avec étude par le duc de Beauvilliers auprès de lui, et encore par le duc de Chevreuse, du caractère dont étoit ce prince, ce qu’il paraissoit du mien par le tissu de la conduite ordinaire de toute ma vie étoit un avantage peu commun pour lui plaire. Il aimoit une vie appliquée, égale, unie, il estimoit l’union dans les familles, il considéroit les amitiés qui faisoient honneur ; et de celles-là, on a vu que j’y fus toujours heureux. Ma jeunesse n’avoit rien eu de ce qui eût pu l’étranger ou l’arrêter. Toutes mes liaisons particulières s’étoient trouvées avec des personnes qui presque toutes lui étoient agréables ou directement ou par quelque recoin ; mes inimitiés ou mes éloignements, avec celles qui pour la plupart étoient en opposition avec lui, et très-ordinairement directe, ce qui étoit arrivé naturellement et sans aucun art. J’étois bien de toute ma vie avec les jésuites, quoique sans liaison qu’avec un seul à la fois, mais liaison unique jusqu’à la mort du dernier qui survécut le feu roi ; ils me comptoient parmi leurs amis, comme on l’a vu du P. Tellier, et comme on le verra davantage. Je l’avois été intime, comme on l’a vu aussi, de l’évêque de Chartres, Godet. C’étoient là des boucliers sûrs contre le dangereux soupçon de jansénisme ;