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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/409

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à toute affection, mais ils comptèrent gagner l’une et l’autre en celle-ci avec les deux ducs si puissamment en croupe et si unis au P. Tellier. Raisonnant peu de jours après avec le duc de Beauvilliers, allant avec lui de Marly à Saint-Germain du renvoi de cette affaire au Dauphin, nous convînmes aisément de la nécessité de lui proposer un évêque pour y travailler sous lui et y exécuter ses ordres à l’égard des parties, et nous agitâmes les prélats qui pouvoient y être propres. Je lui nommai l’ancien évêque de Troyes. Plusieurs raisons me firent penser à lui. C’étoit un homme d’esprit et de savoir, qui avoit de plus la science et le langage du monde auquel il étoit fort rompu ; il avoit brillé dans toutes les assemblées du clergé, où il avoit souvent réuni les esprits ; il s’étoit trouvé à la cour dans des liaisons importantes et fort opposées, sans soupçon sur sa probité. Dans les affaires de l’Église, il s’étoit maintenu bien avec tous et avec les jésuites ; il étoit neuf sur celle-ci, puisqu’il étoit démis et retiré à Troyes depuis nombre d’années ; enfin sa droiture et sa piété ne pouvoient être suspectes à la vie toute pénitente qu’il avoit choisie très-volontairement, et dans laquelle il persévéroit depuis si longtemps. Toutes ces qualités jointes à un esprit poli, doux, facile, liant, insinuant, qui étoit proprement le sien, me paraissoient fort exprès pour remplir les vues de l’emploi dont il s’agissoit. J’expliquai ces raisons à M. de Beauvilliers, qui n’eut rien à m’opposer, sinon que M. de Troyes étoit ami du cardinal de Noailles ; et de cela je ne l’en pus tirer, quoi que je lui pusse représenter. Je vins donc à un autre, et lui parlai de Besons, archevêque de Bordeaux, liant aussi, fort instruit, estimé, transféré d’Aire à Bordeaux par le P. de La Chaise, enfin ami des jésuites, et qui ne pouvoit être suspect.

Le duc ne rejeta pas la proposition, mais il me parla de Bissy, évêque de Meaux, comme du plus propre à travailler sous le Dauphin. Celui-ci n’avoit pas encore levé le masque ;