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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/411

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qu’elles fussent pour Mme la duchesse de Berry, trouvèrent si hasardeux de la faire partir que, appuyées de Fagon, elles en parlèrent au roi. Ce fut inutilement. Elles ne se rebutèrent pas, et cette dispute dura trois ou quatre jours. La fin en fut que le roi se fâcha tout de bon, et que, par capitulation, le voyage se fit en bateau au lieu du carrosse du roi.

Pour l’exécuter, ce fut une autre peine d’obtenir que Mme la duchesse de Berry partiroit de Marly le 13, pour aller coucher au Palais-Royal, s’y reposer le 14, et s’embarquer le 15 pour arriver à Petit-Bourg, où le roi devoit coucher ce jour-là, et arriver comme lui le 16 à Fontainebleau, mais toujours par la rivière. M. le duc de Berry eut permission d’aller avec Mme sa femme ; mais le roi lui défendit avec colère de sortir du Palais-Royal pour aller nulle part, même l’Opéra à l’un et à l’autre, quoiqu’on y allât du Palais-Royal sans sortir, et de plain-pied des appartements dans les loges de M. le duc d’Orléans. Le 14, le roi, sous prétexte d’envoyer savoir de leurs nouvelles, leur fit réitérer les mêmes défenses, et à M. [le duc] et à Mme la duchesse d’Orléans, à qui il les avoit déjà faites à leur départ de Marly. Il les poussa jusqu’à les faire à Mme de Saint-Simon pour ce qui regardoit Mme la duchesse de Berry, et lui enjoignit de ne la pas perdre de vue, ce qui lui fut encore réitéré à Paris de sa part. On peut juger que ses ordres furent ponctuellement exécutés. Mme de Saint-Simon ne put se défendre de demeurer et de coucher au Palais-Royal, où on lui donna l’appartement de la reine mère. Il y eut grand jeu tant qu’ils y furent pour consoler M. le duc de Berry de sa prison.

Le prévôt des marchands avoit reçu ordre de faire préparer des bateaux pour le voyage ; il eut si peu de temps qu’ils furent mal choisis. Mme la duchesse de Berry s’embarqua le 15, et arriva avec la fièvre, à dix heures du soir, à Petit-Bourg, où le roi parut épanoui d’une obéissance si exacte.