Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/7

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une Fabri, dont il en eut. Son fils aîné fut père de Mmes de Saint-Luc et d’Hautefort, et cet abbé, leur oncle paternel, a fini cette branche, qui étoit l’aînée. Il avoit un laquais presque aussi vieux que lui, à qui il donnoit, outre ses gages, tant par jour pour dire son bréviaire en sa place, et qui le barbotoit dans un coin des antichambres où son maître alloit. Il s’en croyoit quitte de la sorte, apparemment sur l’exemple des chanoines qui payent des chantres pour aller chanter au chœur pour eux. Il avoit un autre frère de qui le fils n’a laissé que Mme de Courcillon, dont la fille unique, veuve d’un fils du maréchal-duc de Chaulnes, s’est remariée au prince de Rohan, et n’a point d’enfants de l’un ni de l’autre. L’impossibilité, trop bassement éprouvée, d’obtenir la paix, et l’épuisement où étoit le royaume, jetèrent le roi dans les plus cruelles angoisses, et Desmarets dans le plus funeste embarras. Les papiers de toutes les espèces dont le commerce se trouvoit inondé, et qui tous avoient plus ou moins perdu crédit, faisoient un chaos dont on n’apercevoit point le remède : billets d’État, billets de monnaie, billets des receveurs généraux, billets sur les tailles, billets d’ustensile, étoient la ruine des particuliers que le roi forçoit de prendre en payement de lui, qui perdoient moitié, deux tiers et plus, et avec le roi comme avec les autres. Ces escomptes enrichissoient les gens d’argent et de finance aux dépens du public, et la circulation de l’argent ne se faisoit plus, parce que l’espèce manquoit, parce que le roi ne payoit plus personne et qu’il tiroit toujours, et que ce qu’il y avoit d’espèces hors de ses mains étoit bien enfermé dans les coffres des partisans. La capitation doublée et triplée à volonté arbitraire des intendants des provinces, les marchandises et les denrées de toute espèce imposées en droit au quadruple de leur valeur, taxes d’aisés et autres de toute nature et sur toutes sortes de choses, tout cela écrasoit nobles et roturiers, seigneurs et gens d’Église, sans que ce qu’il en revenoit au roi pût suffire, qui tiroit le sang de tous