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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/88

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avec une violence qui dure encore, sous l’oppression de laquelle tout le royaume tremble et gémit, et qui, après plus de trente ans de la persécution la plus effrénée, en éprouve, en tout genre et en toutes professions, un poids qui s’étend à tout, et qui s’appesantit toujours. Je me garderai bien d’entreprendre une histoire théologique, ni même celle qui seroit bornée aux faits et aux procédés ; cette dernière partie seule composeroit plusieurs volumes. Il seroit à désirer qu’il y en eût moins de donnés au public sur la doctrine où bien des répétitions se trouvent multipliées, et qu’il y en eût davantage sur l’historique de la naissance, du cours et des progrès de cette terrible affaire ; de ses suites, de ses branches, de la conduite et des procédés des deux côtés ; des fortunes, même séculières, qui en sont nées, et qui en ont été ruinées ; et des effets si étendus et si prodigieux de l’ouverture de cette boîte de Pandore, si fort au delà des espérances des uns et de l’étonnement des autres, qui ont fait taire les lois, les tribunaux, les règles, pour faire place à une inquisition militaire qui ne cesse point d’inonder la France de lettres de cachet, et d’anéantir toute justice. Je me bornerai à ce peu d’historique qui s’est passé sous mes yeux, et quelquefois par mes mains, pour traiter cette matière comme j’ai tâché de traiter toutes les autres, et laisser ce que je n’ai ni vu ni appris des acteurs à des plumes plus instruites, meilleures et moins paresseuses.

Pour entendre ce peu qui de temps en temps sera rapporté d’une affaire qui a si principalement occupé tout le reste du règne de Louis XIV, la minorité de Louis XV et tout le règne, caché sous M. le Duc, et à découvert depuis sa chute, du cardinal Fleury, il faut se souvenir de bien des choses qui se trouvent éparses dans ces Mémoires, et qui seroient trop longues et trop ennuyeuses à répéter ici, mais qu’il faut remettre en deux mots sous les yeux, pour en donner le souvenir et le moyen de se les rappeler aisément dans les lieux épars où elles se trouvent rapportées. Il faut d’abord