Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/13

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des jésuites, les faibles qui n’osèrent se brouiller avec l’entreprenant confesseur, les avares et les ambitieux firent un nombre qui imposa. Le cardinal de Noailles eut le vent de ces pratiques, qui se dirigeoient toutes aux jésuites de la rue Saint-Antoine. Les PP. Lallemant, Doucin et Tournemine en étoient les principaux artisans. Il leur échappa quelques menaces fort indiscrètes et fort insolentes, d’autres gros bonnets en furent les échos. Le cardinal de Noailles ôta à ceux-là les pouvoirs de confesser et de prêcher, et cela fit un nouveau vacarme.

Les choses en étoient là au retour de Fontainebleau, et les lettres des évêques au roi prêtes à pleuvoir, parce qu’il fallut du temps à Saint-Louis pour composer le même thème en tant de façons différentes, envoyer dans les diocèses, et obtenir la signature et l’envoi. M. de Meaux avoit eu beau fournir des embarras, le procédé étoit insoutenable, et M. le Dauphin le voulut finir, avec d’autant plus d’empressement que l’interdiction de ce petit nombre de jésuites alloit apporter de nouvelles aigreurs. Le roi néanmoins, quelque prévenu qu’il fût par le P. Tellier, écouta, assez bien les raisons du cardinal de Noailles, sur cette interdiction, quoiqu’elle lui déplût, et ne voulut pas qu’elle fît obstacle à ce que le Dauphin avoit réglé. Il l’expliqua ce même jour au cardinal de Noailles, qui s’y soumit de bonne grâce. Voysin avoit en poche le consentement des trois évêques, qui, dans l’espérance que le cardinal feroit quelque difficulté dont ils feroient retomber la mauvaise satisfaction sur lui, n’avoit eu garde de s’en vanter, et ne l’apporta au Dauphin que cinq jours après.

Le jugement fut : que les trois évêques feroient en commun un nouveau mandement en réparation des précédentes ; qu’avant de le publier il seroit envoyé à Paris pour y être examiné par personnes nommées par le Dauphin, communiqué après au cardinal, et, s’il en étoit content, publié. Ensuite le roi lui devoit envoyer une lettre des trois évêques