Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/155

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perdu par son mariage, en méprisant son épouse, et en se piquant de vivre avec et comme les plus effrénés. De là le désir de l’irréligion et l’extravagante vanité d’en faire une profession ouverte ; de là un ennui extrême de toute autre chose que débauche éclatante ; les plaisirs, ordinaires et raisonnables, insipides ; l’oisiveté profonde à la cour où il ne pouvoit traîner sa funeste compagnie, et où pourtant il falloit bien qu’il demeurât souvent ; nul entregent pour s’en attirer d’autre, et dans une réciproque contrainte avec son épouse et avec tout ce qui l’approchoit, qui lui faisoit préférer sa solitude ; et cette solitude, il étoit trop accoutumé au bruit pour la pouvoir supporter.

Jeté par là dans la recherche des arts, il se mit à souffler, non pour chercher à faire de l’or, dont il se moqua toujours, mais pour s’amuser des curieuses opérations de la chimie. Il se fit un laboratoire le mieux fourni, il prit un artiste de grande réputation, qui s’appeloit Humbert, et qui n’en avoit pas moins en probité et en vertu qu’en capacité pour son métier. Il lui fit suivre et faire plusieurs opérations, il y travailla avec lui ; mais tout cela très-publiquement, et il en raisonnoit avec tous ceux de la profession de la cour et de la ville, et en menoit quelquefois voir travailler Humbert et lui-même. Il s’étoit piqué autrefois d’avoir cherché à voir le diable, quoiqu’il avouât qu’il n’y avoit pu réussir ; mais épris de Mme d’Argenton, et vivant avec elle, il y trouva d’autres curiosités trop approchantes et sujettes à être plus sinistrement interprétées. On consulta des verres d’eau devant lui sur le présent et sur l’avenir. J’en ai rapporté des choses assez singulières, qu’il me raconta avant d’aller en Italie, pour me contenter ici de rappeler seulement ces malencontreux passe-temps, tout éloignés qu’ils fussent de la plus légère idée même de crime. L’affaire d’Espagne dont il n’étoit jamais bien revenu ; les bruits affreux de lui et de sa fille par lesquels on essaya de rompre le mariage de cette princesse avec M. le duc de Berry près