Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/181

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

quatre premières maisons de Gênes ; un de ses fils fut cardinal, l’autre épousa une Doria de l’une des quatre premières maisons de Gênes, qui étoit duchesse héritière del Sesto, et eut la Toison. Son fils, gendre du connétable Colonne, fut grand d’Espagne, du conseil de guerre, ambassadeur en France au mariage du roi pour y accompagner la reine, conseiller d’État, c’est-à-dire ministre, et majordome-major de la reine, seconde femme de Charles II. Son fils, gendre du huitième duc de Medina-Celi, fut vice-roi de Sicile. Il en partit pour venir à Gênes où il se fit prêtre. Son fils, gendre du duc d’Albuquerque est grand écuyer de la princesse des Asturies, fille du roi de Portugal, et a cinq sœurs toutes grandement mariées. Les privilèges du clergé sont tels en Espagne qu’un particulier qui y entre garantit sa famille de toutes recherches, parce que le droit de partage qu’il conserve dans les biens en rend la discussion très-difficile et presque toujours infructueuse ; ils dérobent aussi à la justice séculière les personnes du clergé, et rendent leurs punitions impossibles. Ces considérations, beaucoup plus que la dévotion ni même pour les grands seigneurs que l’ambition du cardinalat, y font entrer ceux qui des grands emplois tombent en disgrâce, qui mettent ainsi leurs biens à couvert et leurs personnes en sûreté.

L’Espagne avoit ses Titans, sur le modèle de ceux de France, qui ne gagnèrent pas moins que les nôtres à la mort du Dauphin. Ils se hâtèrent encore plus d’en profiter. La princesse des Ursins, qui d’avance se comptoit déjà souveraine, eut impatience d’en faire sentir à l’Espagne le poids, qui jusqu’alors lui étoit inconnu. Elle n’osa pourtant le hasarder sans l’attache de la France, et elle n’ignoroit pas le biais de l’obtenir et de s’en faire soutenir dans son inouïe entreprise contre le désespoir général qu’elle ne pouvoit douter qu’elle n’allât exciter : ce fut de rendre commun son intérêt avec celui du duc de Vendôme, et d’acquérir pour une nouvelle grandeur l’appui certain et tout-puissant de