Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/239

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dissimuler que la chose ne demeurât comme avouée, dont il demeura fort embarrassé.

M. de Beauvilliers, extrêmement pressé par les instances des Anglois, ne voulut plus s’attendre au duc de Noailles. Il me pria de faire le mémoire. Je m’en défendis par beaucoup de raisons, et en effet, je n’avois apporté à Fontainebleau que peu de livres, et aucun qui pût me servir à un travail auquel je n’avois aucun lieu de m’attendre. J’eus beau dire et alléguer les meilleures excuses, il fallut céder à l’autorité qu’il avoit sur moi. Je me mis donc à travailler dans un lieu où je n’avois aucun secours, et où je n’avois pas la liberté de le faire. Il falloit être assidu aux heures de cour que j’avois accoutumé de prendre, manger en compagnie ; et Fontainebleau étoit le lieu du monde où on se rassembloit, et où on s’invitoit le plus à dîner et à souper. J’avois encore à faire face au monde et à mes sociétés ordinaires, parce qu’il ne falloit pas laisser soupçonner que je fusse occupé à rien de sérieux. Mon travail étoit donc fort interrompu, qui est la chose du monde la plus nuisible à bien faire, surtout en telles matières. J’avois souvent recours aux nuits.

Je ne sais pourquoi alors j’étois épié plus qu’à l’ordinaire, quoique je le fusse toujours. Mme de Saint-Simon ne put venir à Fontainebleau cette année, à cause des suites d’une rougeole. Nous nous écrivions tous les jours ; et quoique nous ne nous mandassions jamais que des riens par la poste, nous ne reçûmes pas une seule lettre, moi d’elle, elle de moi, par la poste que très-visiblement décachetée. C’est ce qui me fit tenir encore plus soigneusement sur mes gardes pour éviter de paroître retiré, et ce qui rendit mon travail plus coupé et plus difficile. M. de Beauvilliers logeoit dans la galerie de Diane, vis-à-vis du duc de Noailles, et ces deux logements leur appartenoient de tous temps. J’étois à l’autre bout du château, au-dessus d’une partie de l’appartement de la reine mère, et j’avois des fenêtres qui donnoient sur la cour du Cheval-Blanc, et de l’autre côté sur la