Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/27

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attendre qu’il fût élu empereur. Molinez en parla aux ministres, puis au pape, qui à la fin lui avoua que la résolution en étoit prise. Molinez, très-attaché à Philippe V, ne se rebuta point, et n’oublia aucune des raisons qui pouvoient détourner ce qu’il appeloit un affront fait au roi son maître ; à la fin il pressa si vivement le pape, et lui parla si haut, que le pontife se fâcha ; et, pour se défaire de ses remontrances, l’interdit de toutes ses fonctions, et alla même jusqu’à lui défendre de dire la messe. Cette affaire fit grand bruit dans toute l’Europe, et même Rome, neutre, ne l’approuva pas. Molinez se tint chez lui fort visité, par l’estime qu’il avoit acquise, et n’en sortit plus jusqu’à ce qu’il eût reçu des ordres de Madrid. Le roi s’en plaignit fort à Rome et de la chose et de la cause ; mais le parti y étoit pris, et cette cour n’étoit pas pour reculer.

Le duc d’Uzeda étoit ambassadeur d’Espagne à Rome : il étoit de cette grande et nombreuse maison d’Acuña y Pacheco, de laquelle sont aussi les marquis de Villena et ducs d’Escalone, comte de San-Estevan de Gormaz, les ducs d’Ossone, les comtes de Montijo, le marquis de Bedmar d’aujourd’hui, et ce vieillard illustre le marquis de Mancera, dont j’ai parlé plus d’une fois, tous grands d’Espagne de première classe, et tous fort grands seigneurs. Uzeda fut érigé en duché, et donné par Philippe III au fils aîné du duc de Lerme, son premier ministre, mort cardinal et disgracié, en faisant ce fils grand d’Espagne ; cette grandesse tomba de fille en fille. La dernière qui en hérita étoit fille du cinquième duc d’Ossone, qui la porta en mariage à un cadet de sa même maison, qui s’appeloit le comte de Montalvan, et qui prit, en se mariant, le nom et le rang de duc d’Uzeda. Il fut gentilhomme de la chambre, gouverneur et capitaine général de Galice, puis vice-roi de Sicile, d’où il passa à l’ambassade de Rome, où il logea Louville, lorsque Philippe V, étant à Naples, l’envoya remercier le pape de lui avoir envoyé un légat.