Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/304

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voulût venger la mort de son père. Les états de Hongrie furent assemblés par l’empereur pour traiter ; mais Tékéli, irrité du refus de ce grand mariage, déclara qu’il ne pouvoit rien faire sans les Turcs. Tandis que l’empereur envoya le baron de Kaunitz à Constantinople, Tékéli recommença les hostilités avec des succès qui s’augmentèrent par les secours qu’il reçut de la Porte. Il fut encore question d’accommodement ; il se rompit et se renoua. Le Grand Seigneur ayant appris que Tékéli pensoit sérieusement à rentrer sous l’obéissance de l’empereur, lui envoya offrir l’assurance de la principauté de Transylvanie après Abaffi. Lui et les autres chefs promirent quatre-vingt mille écus de tribut annuel, au nom de la Hongrie, si les Turcs les vouloient assister puissamment. Cela n’empêcha pas Tékéli de convenir, en octobre 1681, d’une suspension d’armes qui devoit finir au dernier juin 1682, avec l’empereur, qui en avoit besoin pour faire couronner l’impératrice-reine de Hongrie. Tékéli, qui devoit agir incontinent après, alla cependant prendre des mesures avec le bacha de Bude, qui le reçut superbement, et à tel point qu’on prétendit qu’il l’avoit revêtu de la couronne et des autres ornements royaux de Hongrie, en présence de plusieurs autres bachas. Le secrétaire de Tékéli étoit cependant à Vienne pour obtenir la permission d’épouser la comtesse Serin. Il la dut à l’opinion qu’on eut à Vienne qu’il étoit en état de le faire, malgré le refus, et au désir extrême de le gagner. De Bude il alla donc au château de Montgatz, qui étoit à la comtesse et sa résidence ordinaire, où leur mariage fut incontinent célébré avec grande magnificence. Il y fit entrer de ses troupes et dans toutes les autres places de sa nouvelle épouse, se joignit aux Turcs au commencement d’août 1682, porta la terreur partout, et fit frapper des médailles sur lesquelles il prit le titre de prince de Hongrie. Il y eut encore des propositions d’accommodement à la diète de Cassovie, qui n’eurent aucun effet.