Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/317

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la chapelle de Versailles à la fin de la journée, qui étoit suivie d’un salut avec la bénédiction du saint sacrement tous les dimanches et les jeudis. L’hiver, le salut étoit à six heures ; l’été, à cinq, pour pouvoir s’aller promener après. Le roi n’y manquoit point les dimanches et très-rarement les jeudis en hiver. À la fin de la prière, un garçon bleu en attente dans la tribune couroit avertir le roi, qui arrivoit toujours un moment avant le salut ; mais qu’il dût venir ou non, jamais le salut ne l’attendoit. Les officiers des gardes du corps postoient les gardes d’avance dans la tribune, d’où le roi l’entendoit toujours. Les dames étoient soigneuses d’y garnir les travées des tribunes, et, l’hiver, de s’y faire remarquer par de petites bougies qu’elles avoient pour lire dans leurs livres et qui donnoient à plein sur leur visage. La régularité étoit un mérite, et chacune, vieille et souvent jeune, tâchoit de se l’acquérir auprès du roi et de Mme de Maintenon. Brissac, fatigué d’y voir des femmes qui n’avoient pas le bruit de se soucier beaucoup d’entendre le salut, donna le mot un jour aux officiers qui postoient ; et pendant la prière il arrive dans la travée du roi, frappe dessus de son bâton, et se met à crier d’un ton d’autorité : Gardes du roi, retirez-vous ; le, roi ne vient point au salut. À cet ordre tout obéit, les gardes s’en vont, et Brissae se colle derrière un pilier. Grand murmure dans les travées, qui étoient pleines ; et un moment après chaque femme souffle sa bougie, et s’en va tant et si bien qu’il n’y demeura en tout que Mme de Dangeau et deux autres assez du commun.

C’étoit dans l’ancienne chapelle. Les officiers, qui étoient avertis, avoient arrêté les gardes dans l’escalier de Bloin et dans les paliers où ils étoient bien cachés, et quand Brissac eut donné tout loisir aux dames de s’éloigner et de ne pouvoir entendre le retour des gardes, il les fit reposter. Tout cela fut ménagé si juste que le roi arriva un moment après, et que le salut commença. Le roi, qui faisoit toujours des yeux le tour des tribunes et qui les trouvoit toujours pleines