Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/383

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

De cet antre de ténébreuse intrigue, sortit la nomination de Bissy au cardinalat, que sans concert, mais avec une ardeur égale, Mme de Maintenon et le P. Tellier procurèrent également, et que Rome reçut avidement, comme de celui dont elle feroit le plus grand usage, et qui pour elle fouleroit tout aux pieds. Ce fut un grand pas pour le P. Tellier, dont il se promit toutes choses, mais il en vouloit tant opérer à la fois, qu’il crut avoir besoin d’un renfort de secours.

Le premier plan sur lequel il avoit travaillé n’avoit été, comme on l’a dit, que pour donner des morailles au pape, et lui donner des affaires en France qui le forçassent de ménager les jésuites et d’abandonner leurs affaires des cérémonies chinoises, dès lors réduites pour eux à un état désespéré. La double vue étoit de se venger du cardinal de Noailles, monté sans eux sur le siége de la capitale, et dont la faveur et l’estime balançoit leur pouvoir sur la distribution des bénéfices. Parvenus à lui soustraire grand nombre d’adhérents pour avoir reconnu sa faiblesse, et l’avoir manifestée au monde, par le consentement que le roi lui arracha pour la radicale destruction de Port-Royal des Champs, et bientôt après à le brouiller avec Mme de Maintenon, jusqu’à la rendre sa plus ardente ennemie, et de là avec le roi, sur les Reflexions morales du P. Quesnel, Tellier se promit toutes choses de l’affadissement du sel de la terre, qu’il reconnut en plein dans les assemblées des évêques sur cette affaire. L’interdiction générale de la chaire et du confessionnal de tous les jésuites du diocèse de Paris, excepté du confesseur unique du roi, et pour le roi tout seul, combla la mesure du désir de la plus éclatante vengeance dans les jésuites et dans le P. Tellier, et la déplorable conduite du cardinal de Noailles qui, dans la suite, se sépara de ses évêques, de son chapitre, des écoles, et des corps des curés et des congrégations régulières qui étoient toute sa force au dedans et tout son appui au dehors, porta les vues du P. Tellier au