Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/457

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n’en disent rien, et le règlement que fit alors le roi, et auquel renvoie Saint-Simon, ne se trouve pas dans le recueil des Anciennes lois françaises. Pour suppléer à ce silence, nous citerons un pasbsge du Journal d’Olivier d’Ormesson, qui donne l’analyse du règlement et l’exposé des circonstances qui le rendirent nécessaire. Ce passage contient de curieux détails sur l’organisation de l’ancienne chancellerie et sur la manière dont on y scelloit les actes royaux. Les maîtres des requêtes et d’autres officiers en faisoient le rapport. Le chancelier ou le garde des sceaux, assisté de conseillers d’État, prononçoit sur la validité des actes. En certains cas, il les rejetoit comme contraires aux lois ou obtenus par des moyens frauduleux.

« Le jeudi 28 janvier 1672, dit Olivier d’Ormesson [1] mourut à Saint-Germain, à sept heures du soir, M. Pierre Séguier, chancelier de France, après trente-neuf ans de services dans cette charge, depuis le 10 février 1633 qu’il reçut les sceaux vacants par la disgrâce de M. de Châteauneuf [2], et en 1635 la dignité de chancelier de France par la mort de M. Haligre [3], décédé en sa terre de la Rivière. Depuis quelques années ledit sieur chancelier (Séguier) étoit fort déchu de la vigueur de son esprit, et sur la fin il ne connoissoit plus ceux qui l’abordoient, et avoit perdu sa mémoire ; mais dans ses derniers jours l’esprit lui étoit revenu entier, et il est mort avec beaucoup de piété et de connoissance. Sa famille avoit reporté au roi les sceaux quelques jours auparavant, et le roi les avoit reçus avec bien de l’honnêteté, et dit qu’il ne les vouloit garder qu’en dépôt et pour les rendre à M. le chancelier lorsqu’il seroit revenu en sa santé.

« La vacance de la charge de chancelier fait beaucoup raisonner sur le choix que le roi fera pour remplir cette place. D’abord l’on a dit que c’étoit pour M. Le Tellier [4], depuis pour M. le premier président [5], et chacun nomme celui qui lui plaît ; mais le roi ne se découvre point, sinon qu’à son dîner ayant été dit qu’il y avoit eu des chanceliers gens d’épée, l’on a dit qu’il vouloit choisir un homme d’épée.

« Le jeudi 5 février, étant chez M. Boulanger d’Hacqueville, il me montra un paquet, qu’il venoit de recevoir de la part de M. Haligre [6], qui étoit un règlement fait par le roi, par lequel il dit que Sa Majesté

  1. Journal, fol. 188 recto.
  2. Charles de L’Aubépine, marquis de Châteauneuf, avait été nommé garde des sceaux en 1630 : il fut disgracié et emprisonné en 1633. Il mourut en 1653. Voy. l’article sur les chanceliers et gardes des sceaux.
  3. Étienne d’Aligre, nommé chancelier en 1624, mourut le 11 décembre 1635.
  4. Michel Le Tellier était secrétaire d’État depuis 1643 ; il devint chancelier en 1677, et mourut en 1685.
  5. Le premier président était alors Guillaume de Lamoignon, né en 1617, premier président en 1658, mort en 1677.
  6. Étienne d’Aligre, fils du précédent, fut successivement conseiller au grand conseil, conseiller d’État et chancelier en 1674 ; il mourut à quatre-vingt-cinq ans, le 25 octobre 1677. Olivier d’Ormesson écrit Aligre tantôt avec H, tantôt sans H. Comme il écrivait, en 1672, au moment même des événements qu’il raconte, il faut reconnaître que l’orthographe de ce nom était alors incertaine. Nous en faisons la remarque, parce que Saint-Simon insiste sur ce point (p. 73).