Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/7

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nommés pour la paix. — Utrecht choisi pour le lieu de la traiter. — Retour des généraux, de Tallard de sa prison en Angleterre, et du roi Jacques de ses voyages par le royaume. — Comte de Toulouse fort heureusement taillé par Maréchal ; la galerie et le grand appartement fermés jusqu’à sa parfaite guérison. — Mort et caractère de Mlle de La Rochefoucauld. — Mort et caractère de Sebville. — Mort, état, et caractère de Mme de Grancey. — Mort et singuliers mariages de la maréchale de L’Hôpital. — Abbé de Pomponne conseiller d’État d’Église. — Tremblement de terre peu perceptible. — Nouvelle tontine. — Grand prieur à Lyon.


On apprit en ce même temps le malheur du czar contre le grand vizir, sur la rivière du Pruth. Ce prince, piqué de la protection que la Porte avoit accordée au roi de Suède retiré à Bender, en voulut avoir raison par les armes, et tomba dans la même faute qui avoit perdu le roi de Suède contre lui. Les Turcs l’attirèrent sur le Pruth à travers des déserts, où, manquant de tout, il fallut périr ou hasarder tout par un combat fort inégal. Il étoit à la tête de soixante mille hommes ; il en perdit plus de trente mille sur la place, le reste mourant de faim et de misère ; et lui sans aucune ressource, sans pouvoir éviter d’être prisonnier des Turcs avec tout ce qu’il avoit avec lui. Dans une extrémité si pressante, une femme de rien, qu’il avoit ôtée à son mari, tambour dans ses troupes, et qu’il avoit publiquement épousée après avoir répudié et confiné la sienne dans un couvent, lui proposa de tenter le grand vizir pour le laisser retourner libre dans ses États avec tout ce qui étoit resté de la défaite. Le czar approuva la proposition, sans en espérer de succès. Il envoya sur-le-champ au grand vizir, avec ordre de lui parler en secret. Il fut ébloui de l’or et des pierreries, et de plusieurs choses précieuses qui lui furent offertes ; il les accepta, les reçut, et signa avec le czar un traité de paix par lequel il lui étoit permis de se retirer en ses États par le plus court chemin, avec tout ce qui l’accompagnoit, les Turcs lui fournissant des vivres dont il manquoit entièrement ; et le czar s’engageoit à rendre Azof dès qu’il seroit