Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Turin, et vint dîner à Marly, chez Torcy. Le roi ordonna au duc d’Aumont, qui l’avoit fort connu en Angleterre, et à d’Antin, de lui faire voir les jardins de Marly, et d’y faire jouer les eaux. Il joignit le roi à la promenade, qui le traita avec beaucoup de distinction. Il s’en retourna coucher à Paris, et partit peu de jours après pour l’Angleterre.

On se mit à Paris à s’aller promener au Cours à minuit, aux flambeaux, à y mener de la musique, à danser dans le rond du milieu. Cette mode emporta longtemps tout Paris, et beaucoup de personnes de la cour. Il en naquit force histoires qui ne corrigèrent personne de continuer à y aller. Il y avoit presque autant de carrosses qu’aux plus beaux jours de l’été. Cette folie eut son cours, et prit fin avec les derniers jours où les nuits purent être supportables.

Mme de Vaudemont mourut d’apoplexie à Commercy ; en entrant le matin dans sa chambre on la trouva râlant, sans connoissance qui ne revint plus. On a dit ailleurs qui elle étoit, et qu’elle n’avoit plus d’enfants. Ainsi le duc d’Elbœuf hérita de ce qu’elle avoit eu de son père, et M. de La Rochefoucauld du maternel. Le tout alla à peu de chose. C’étoit une dévote précieuse, qui ne put s’accoutumer à n’être plus une manière de reine, et qui sécha peu à peu de dépit et de douleur d’avoir vu se dissiper en fumée ses folles prétentions de rang et ses vastes chimères de faire à la cour et à Paris un grand personnage. L’unisson avec toutes les dames titrées, dont tout l’art, la souplesse et les appuis ne la purent distinguer en rien, et la solitude où son air haut, sec, froid, mécontent, la jetèrent, lui avoient fait prendre promptement le parti de se confiner à Commercy, où l’ennui acheva de la tuer. Mme d’Espinoy y courut chercher et ramener son cher oncle, qui, comme tous les grands princes, arriva consolé.

Le maréchal d’Harcourt perdit en même temps sa sœur, mère de la maréchale de Belle-Ile aujourd’hui, pendant que son mari, le marquis de Béthune, étoit allé de la part du