Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/217

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Il arrive à Paris et à la cour ; très-bien reçu. — Ce qu’on en trouve. — Ses conducteurs. — Sa conversion secrète. — Électeur de Bavière voit le roi en particulier et retourne à Compiègne.


J’avoue que j’ai peine à m’arracher à des objets qui me furent si chers, et qui me le seront toute ma vie. Il est temps de reprendre une nouvelle idée de ma situation à la cour, bien différente de celle où je m’étois trouvé. La perte du Dauphin et de la Dauphine, la dispersion de ses dames qui ne figuroient plus, la disgrâce de Chamillart, la retraite du chancelier de Pontchartrain, la mort du maréchal de Boufflers, du duc de Chevreuse, enfin celle du duc de Beauvilliers, me laissèrent dans un vide (je ne parle pas du cœur, dont ce n’est pas ici le lieu), que rien ne pouvoit, non pas remplir, mais même diminuer. J’étois dans l’intimité, la confiance la plus étroite de ces ministres et de ces seigneurs si principaux, je l’étois de plusieurs dames très instruites et très importantes qui en diverses façons avoient disparu. Ces liaisons, surtout ce qui, malgré les plus sages précautions, ne laissa pas de transpirer de celles du Dauphin tout à la fin de sa vie, et plus encore depuis, m’avoient attiré tous les regards. La jalousie devançoit de loin ma fortune de perspective. On regardoit si peu comme une chimère que je pusse dès lors entrer dans le conseil, à quoi je ne songeai jamais ; car, après le roi, personne n’en doutoit du temps du Dauphin et depuis, que la peur qu’on en eut fit que Bloin, vendu à M. du Maine, le lâcha au roi, qui étoit la façon la plus propre à m’écarter. Il le lui dit comme un discours qu’il croyoit ridicule, mais que la cour ne regardoit pas comme tel et qu’elle craignoit. Toutefois il ne parut pas que cet honnête office fît d’impression.

De tout cet intérieur du roi de toute espèce, je n’avois que Maréchal, qui rompit plus d’une fois des lances pour moi contre les autres qui m’attaquoient devant le roi, et qui