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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/234

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pape lui accorda un bref qui lui permit de la tenir cachée, en sorte que jusqu’à ses domestiques y furent trompés. Deux ou trois domestiques affidés gardèrent un secret impénétrable, par le moyen desquels il entendoit la messe, dans sa chambre, du P. Salerne, et y approchoit souvent des sacrements avant qu’on fût levé chez lui. Il vint en France en ce temps-ci, et prit toute une maison garnie sur le quai Malaquais, au coin de la rue des Petits-Augustins.

Il arriva le 26 septembre à Fontainebleau, ayant passé quelques jours à Paris. Il vit Madame en arrivant, qui le présenta au roi sous le nom du comte de Lusace au sortir de son souper. Il parut un grand et gros garçon de dix-huit ans, bien frais, blond, avec de belles couleurs, et faisant fort souvenir de M. le duc de Berry, l’air sage, modeste, attentif à tout, fort poli mais avec mesure et dignité, et qui, sous un incognito qui ne prétendit jamais rien, montroit sentir fort ce qu’il étoit, et sans embarras. Son palatin plut extrêmement à tout le monde par son esprit, sa sagesse, le discernement qu’on lui remarqua, l’air du grand monde, et une aisance mesurée à propos dans sa liberté, et qui ne laissoit jamais apercevoir au dehors qu’il fût le mentor du jeune prince.

Il dîna le vendredi 28 septembre chez l’électeur de Bavière, qui avoit vu le roi dans son cabinet après sa messe, et qui s’en alla le soir à Saint-Cloud et de là à Compiègne. Le lendemain le roi courut le cerf. Il fit donner de ses meilleurs chevaux au prince électoral et au palatin, et d’autres aux principaux de sa suite. Il eut pendant son séjour toutes les attentions pour lui que l’incognito permit, et traita aussi le palatin avec distinction. Les principaux de la cour leur en firent fort bien les honneurs. Le roi le convia souvent aux chasses, et sur ce qu’il versa dans Paris, envoya un gentilhomme ordinaire savoir de ses nouvelles.