Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/422

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

que tous ses propos ne les faisoient point s’avancer, et que M. de La Force comme l’ancien prenoit toujours la parole sur M. d’Aumont sans jamais la lui laisser, prit son parti de parler la première. Elle leur dit donc que, après toutes les grâces dont le roi venoit de combler M. du Maine, et particulièrement celle de l’habilité à succéder à la couronne, il n’avoit plus rien à en désirer, mais qu’en même temps il n’étoit pas assez peu considéré pour ne pas voir que cette disposition et d’autres qui avoient précédé celle-là pouvoient, non pas être contestées après le roi (elle ne disoit pas ce qu’elle en pensoit) qui les avoit bien solidement munies de tout ce qui les pouvoit bien assurer, mais donner occasion d’aboyer (quel terme !), de crier, d’exciter les princes du sang, jeunes et sans expérience, quoique si liés à eux par les alliances si proches et si redoublées, donner envie aux pairs de se joindre à eux contre M. du Maine, enfin de les tracasser ; que M. du Maine vouloit éviter cet inconvénient, jouir paisiblement de tout ce qui lui avoit été accordé, et que c’étoit à eux à voir s’ils se vouloient engager à lui sur ce pied-là d’une manière non équivoque.

Le duc d’Aumont saisit la parole. Le duc de La Force la lui prit à l’instant, en l’interrompant sur ce qu’il enfiloit plus que des compliments. Après en avoir fait quelques-uns, La Force se mit à vanter la solidité de tout ce que M. du Maine avoit obtenu, la solennité des formes qui y avoient été gardées, conclut que c’étoit là une terreur panique sur des choses que personne n’avoit aucun moyen d’attaquer. La duchesse du Maine répondit que, s’ils n’avoient point de moyens, il n’en falloit pas conserver la volonté ; que cela ne se prouvoit point par des propos, mais par des choses ; que c’étoit à eux à voir quelles étoient ces choses dans lesquelles ils voudroient s’engager. Le duc de La Force, de plus en plus surpris de tout ce qu’il entendoit, et qui voyoit déjà où elle en vouloit venir, se défendit sur ce qu’ils n’imaginoient rien au delà de ce qu’il venoit de lui dire ; qu’il y