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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/67

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à Mme d’Armentières, fille d’Aubigny. C’est un des beaux et des plus singuliers lieux de France, et le plus superbement meublé.

Cette souveraineté, dont Mme de Maintenon se trouvoit si peu à portée, la choqua. Cette extrême différence offensa son orgueil, en lui faisant sentir la distance des rangs et des naissances, qui étoient la base d’un si grand essor. Elle sentit avec jalousie que le crédit sans mesure qui portoit Mme des Ursins si haut n’étoit que l’effet de la protection qu’elle lui avoit donnée. Elle ne put souffrir qu’elle en abusât au point de s’élever si fort au-dessus d’elle, et que cette souveraineté elle l’établît et en jouît sous ses yeux. Le roi sentit aussi tout l’excès de ce dessein, mais il fut aussi piqué d’en voir la paix retardée, de se trouver obligé à prendre des ménagements, et à la fin forcé de ne plus rien ménager, de fâcher le roi d’Espagne, de menacer, de parler en père et en maître, et de faire conclure la paix sans cette souveraineté, malgré son petit-fils qui n’en vouloit point démordre, et qui ne céda qu’à l’impuissance de tenir contre tant d’ennemis, abandonné de la France, et pour un si bizarre et si mince sujet. On peut juger aussi quelle fut la rage de Mme des Ursins, après avoir poussé sa pointe jusqu’à une opiniâtreté si démesurée, s’être donnée en spectacle à toute l’Europe, et ne remporter que le mépris et la honte d’une si folle entreprise Telle fut la pierre d’achoppement entre les deux modératrices suprêmes de la France et de l’Espagne. Telle fut aussi la raison de la préférence de Berwick sur Tessé. Depuis cet essor de souveraineté, le concert ne fut plus le même entre Mme de Maintenon et Mme des Ursins. Mais cette dernière étoit parvenue à un point en Espagne, qu’elle crut pouvoir plus qu’aisément s’en passer.

On a vu avec quel art elle avoit sans cesse isolé le roi d’Espagne, jusqu’à quel point elle l’avoit enfermé avec la reine, et rendu inaccessible, non seulement à sa cour, mais