Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 11.djvu/79

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attacher à la mort de M. de Meaux par la charge de premier aumônier de Mme la Dauphine, où il fut la risée de toutes ses dames ; enfin de le mettre de l’Académie française en sa place, qui avoit eu la misère de l’élire. Cela combla toute mesure parce qu’il se crut bel esprit. Chamillart écrivit au roi pour lui demander le logement qu’il avoit conservé, et l’obtint aussitôt. Ce qui montra que le goût du roi n’étoit pas affaibli, malgré Mme de Maintenon et toutes les machines qui le dépostèrent.

Mme Voysin mourut à Paris d’une assez longue maladie : pourroit-on croire, si on ne le savoit, que ce fut de chagrin, unie comme elle étoit avec son mari, et dans l’état radieux où il étoit, et qu’il ne devoit qu’à elle ? On a vu (t. VII, p. 254) quelle étoit cette femme, et à quel point elle fut utile à Voysin, qui sans elle n’avoit rien qui pût lui faire faire fortune qu’il ne mérita jamais, beaucoup moins une aussi démesurée qui l’a enfin porté à la tète de la guerre et de la robe. Mme de Maintenon étoit changeante : elle n’avoit mis le mari en place que pour avoir sa femme à la cour. Outre qu’elle les comptoit tous et avec raison à elle sans réserve, ce qu’elle brassa depuis par lui pour M. du Maine ne pouvoit entrer dans ses vues, alors que la petite vérole et le poison n’avoient pas détruit la maison royale, et que les princes du sang d’âge étoient encore pleins de vie. Mme Voysin eut dans les premiers temps de son arrivée à la cour toute la faveur de Mme de Maintenon et toute sa confiance. Elle ne s’aperçut pas assez tôt qu’il ne falloit pas rassasier d’elle. L’indigestion vint peu à peu. Toute la faveur, toute la confiance passa de la femme au mari. Elle le trouva homme à tout faire, et que pour lui plaire aucune considération ne l’arrêteroit. Cela soutint quelque temps sa femme, mais le goût étoit passé. Tout ce qui lui avoit tant plu en elle, commença à lui être à charge ou à lui paroître ridicule. Son assiduité, ses empressements, ses flatteries l’importunèrent ; ses douceurs et ses complaisances la dégoûtèrent. Son vêtement