Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/186

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d’intrigue, hardi, lié à tout ce qui étoit le plus opposé à M. le duc d’Orléans. Il avoit de plus crié sans mesure, et sur le ton de Mme de Maintenon et du duc du Maine, sur les poisons, en sorte qu’il ne fut pas seulement question de lui. Faute de mieux parmi les médecins de la cour, Poirier fut choisi, parce qu’il avoit été le médecin de Saint-Cyr, et en dernier lieu des enfants de France. Les amis de Boudin crièrent, et on les laissa crier.

Mme la duchesse de Berry vint s’établir à Luxembourg avec sa petite cour. On y chercha de quoi nous loger commodément, Mme de Saint-Simon et moi ; mais Mme de Saint-Simon, ne pouvant honnêtement la quitter, prit cette occasion pour en vivre la plus séparée qu’il lui fut possible. Il ne se trouva donc rien qui nous pût loger tous deux, et nous continuâmes de loger à Paris dans notre maison ensemble. Mme la duchesse de Berry voulut pourtant qu’elle prît un logement à Luxembourg, mais elle ne le meubla point, et n’y mit jamais le pied. Elle n’alla chez Mme la duchesse de Berry les matins que lorsqu’il y avoit des audiences ou quelque cérémonie, mais presque tous les soirs, à l’heure du jeu public, où les dames eurent permission d’aller sans être en grand habit, et où plusieurs étoient retenues à souper avec Mme la duchesse de Berry. Mme de Saint-Simon n’y soupoit presque jamais. Nous avions tous les jours du monde à dîner et à souper, comme nous avions eu toujours, et très rarement aussi la suivoit-elle aux promenades, aux visites, excepté chez le roi, et aux spectacles, et se tint ferme en cette liberté avec grande et juste raison, mais toujours traitée avec la plus grande considération. Elle avoit toujours demeuré à Saint-Cloud avec elle, parce il n’y avoit pas eu moyen de faire autrement. Pour moi j’en usai à mon ordinaire. Je n’avois qu’une ou deux fois l’an chez Mme la duchesse de Berry, un moment chaque fois, toujours très bien reçu ; on a vu ailleurs les raisons de cette conduite.