Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/222

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point décider, mais il n’osoit s’en dispenser. Cela produisit un long verbiage, mais à la fin il fallut conclure. Il tenta un avis équivoque de cote mal taillée ; il se reprit, il y revint, en sorte qu’on put moins dire ce qu’il avoit opiné, que dire qu’il n’avoit pas opiné.

L’impatience où me mit une si méprisable misère fit que je repris l’affaire d’un bout à l’autre. Je discutai tous les points des prétentions et des réponses ; j’exposai plusieurs changements arrivés dans les grandes et les moindres charges, et les formations d’où et comment faites, aux dépens de quelles charges, dont je fis l’application aux questions particulières à juger ; je m’étendis sur la séparation et l’indépendance des deux écuries, et du premier et du grand écuyer faite par Henri III, en faveur de M. de Liancourt, maintenue en entier par ses successeurs jusqu’alors, en conséquence sur l’ordre donné chaque jour distinctement et séparément pour les deux écuries, même à un simple écuyer de la petite en absence du premier écuyer, et en présence du grand écuyer, sans plainte ni réclamation de sa part, jusqu’après la mort du roi, sans que cette retenue pût être attribuée à timidité ni à défiance de considération et de crédit de la part de M. le Grand. Enfin je montrai toute la force que la cause de M. le Premier tiroit du compte rendu à mon père de la dépouille de la petite écurie, et je conclus distinctement après sur tous les points l’un après l’autre, en faveur de M. le Premier. Je remarquai qu’on me prêta grande et silencieuse attention, et qu’encore que je parlasse longtemps, on ne s’ennuya pas, peut-être à cause de l’historique qui fut nouveau presqu’à tous.

Le chancelier barbouilla à son ordinaire, s’affligea de la naissance et du progrès de la contestation, plus encore de la difficulté d’une cote mal taillée, et finit enfin par être de mon avis. Les deux bâtards, qui aimoient bien mieux le premier écuyer, qui sourdement et cauteleusement étoit attaché au duc du Maine, firent l’un après l’autre un petit compliment