Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/367

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et autres censures, même de la personne des archevêques, évêques, prêtres, moines, chapitres, tant civilement que criminellement, tant en première instance que par appel, sans pouvoir jamais être soumis en aucun cas à rendre raison de sa conduite, sinon aux rois de Sicile seuls, ni être encore moins sujets pour quelque cause que ce pût être, à citations, censures ni excommunications, ni troublés en sorte quelconque en leurs fonctions par Rome, ni par qui que ce pût être. Avec ce sage et puissant correctif, les immunités et privilèges du clergé furent admis en Sicile ; et depuis ces temps reculés ce tribunal, qu’on appelle de la monarchie, a continuellement et entièrement subsisté, joui et usé de toute l’étendue de sa juridiction.

Il arriva, dans l’été précèdent qu’un fermier de l’évêque d’Agrigente porta des pois chiches au marché pour les vendre. Des commis aux droits de M. de Savoie, roi de Sicile, pour lors reconnu et en possession par le dernier traité de paix de Ryswick [1], voulurent faire payer à l’ordinaire pour l’étalage. Le fermier, sans dire qui il étoit les envoya promener, et par cette conduite se fit saisir ses pois chiches. Fier de l’immunité ecclésiastique qui affranchit de tous droits, il alla trouver son maître qui, sans autre information ni délai aucun, fulmina une excommunication. Les commis n’apprirent que par là, à qui ces pois chiches appartenoient, les rapportèrent tout aussitôt, se plaignirent de ce que le fermier n’avoit daigné finir la querelle d’un seul mot en disant qui il étoit, et à qui ces pois chiches appartenoient. Une réponse et une défense si raisonnable ne put satisfaire l’évêque. Il demeura ferme, et menaça de pis si ces commis n’en passoient par tout ce qu’il lui plairoit, et comme il voulut beaucoup exiger d’eux, ils n’osèrent rien promettre sans l’ordre de leurs supérieurs. Ceux-ci tentèrent vainement d’apaiser l’évêque ; ils n’en reçurent qu’une

  1. Il y a dans le manuscrit Ryswick ; mais ce fut le traité d’Utrecht qui, en 1714, reconnut Victor-Amédée pour roi des Deux-Siciles.