Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/382

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de soutenir cette amitié par beaucoup d’argent, et par tout le crédit de la duchesse de Portsmouth, dont Charles II étoit possédé, et qui étoit française au point de tout confier aux ambassadeurs de France, et de se gouverner uniquement par eux. Et si, malgré une amitié si bien cimentée, vit-on les Anglois forcer la main à leur roi, et le réduire malgré lui à se déclarer contre la France, et s’unir à ses ennemis, dans une conjoncture qui fit abandonner au roi ses vastes conquêtes des Pays-Bas ; qu’il y avoit donc bien loin d’un roi d’Angleterre tel que Charles II, d’avec le roi Georges, qui ne devoit tout ce qu’il possédoit de grand qu’à l’empereur, qui l’avoit fait électeur, et qui favorisoit son occupation des duchés de Brême et de Verden, en pleine paix, sur la Suède, mais sans lui en donner l’investiture pour le contenir par là ; et aux Anglois, au feu roi Guillaume, au protestantisme et aux whigs, qui de tous les Anglois haïssent le plus la France, qui n’ont jamais voulu de paix, qui font le procès aux ministres de la reine Anne pour l’avoir procurée, et qui ont été remis par Georges dans toutes les grandes, médiocres et petites charges, et emplois dans toute la Grande-Bretagne, par Georges, dis-je, qui sent que les whigs sont son appui en Angleterre, et l’empereur pour ses États et ses prétentions d’Allemagne, et qui, par de si puissants intérêts, est radicalement incapable d’aucune véritable ni durable liaison avec la France ; enfin, que de telles barrières étoient insurmontables par leur nature, bien différente des petits intérêts particuliers des deux cours de France et d’Espagne, des travers de leurs ministres, des fantaisies de Sa Majesté Catholique, d’un roi d’Espagne, oncle paternel du roi, dont le cœur est tout françois, et dont l’autorité et le pouvoir est despotique dans sa monarchie, et ne connoît ni formes, ni torys, ni whigs, ni parlements, et dont la religion est la même que la nôtre, et les intérêts homogènes aux nôtres contre toutes les puissances qui n’ont rien oublié pour le détrôner, en particulier les maritimes, rivales jusqu’