Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/55

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qu’il étoit à Marly. Leurs voitures alloient joignant à côté l’une de l’autre, car presque jamais elle ne montoit en chariot : le roi seul dans le sien, elle dans une chaise à porteurs. S’il y avoit à leur suite Mme la Dauphine ou Mme la duchesse de Berry, ou des filles du roi, elles suivoient ou environnoient à pied, ou si elles montoient en chariot avec des dames, c’étoit pour suivre, et à distance, sans jamais doubler. Souvent le roi marchoit à pied à côté de la chaise. À tous moments il ôtait son chapeau et se baissoit pour parler à Mme de Maintenon, ou pour lui répondre, si elle lui parloit, ce qu’elle faisoit bien moins souvent que lui, qui avoit toujours quelque chose à lui dire ou à lui faire remarquer. Comme elle craignoit l’air dans les temps même les plus beaux et les plus calmes, elle poussoit à chaque fois la glace de côté de trois doigts, et la refermoit incontinent. Posée à terre à considérer la fontaine nouvelle, c’étoit le même manège. Souvent alors la Dauphine se venoit percher sur un des bâtons de devant, et se mettoit de la conversation, mais la glace de devant demeuroit toujours fermée. À la fin de la promenade, le roi conduisoit Mme de Maintenon jusqu’auprès du château, prenoit congé d’elle, et continuoit sa promenade. C’étoit un spectacle auquel on ne pouvoit s’accoutumer. Ces bagatelles échappent presque toujours aux Mémoires. Elles donnent cependant plus que tout l’idée juste de ce que l’on y recherche, qui est le caractère de ce qui a été, qui se présente ainsi naturellement par les faits.

La conduite des belles-petites-filles du roi et de ses bâtardes, les ordres à y mettre et à y donner, les galanteries et la dévotion, ou la régularité des dames de la cour, les aventures diverses, le maintien des femmes des ministres, et celui des ministres mêmes, les espionnages de toutes les sortes dont la cour étoit pleine, les parties qui se faisoient de ces princesses avec les jeunes dames, ou celles de leur âge, et tout ce qui s’y passoit, les punitions qui alloient quelquefois à être en pénitence, et même chassé ; les récompenses,