Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/116

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les raisons qui empêchoient le roi d’Angleterre d’acquiescer à la proposition que le roi d’Espagne avoit faite, de garder la Sardaigne en souscrivant au projet du traité. Stanhope crut adoucir ce refus en l’ornant de toutes les expositions que le roi son maître lui avoit prescrites, pour persuader le cardinal que ce prince étoit plus touché que personne de l’honneur et des intérêts de Sa Majesté Catholique, et que c’étoit même en cette considération qu’il croyoit important de ne rien innover au projet de traité, parce qu’il falloit éviter de fournir à l’empereur le moindre prétexte de changer de sentiment, au moment qu’il dépendoit de lui de faire la paix avec les Turcs. Albéroni ne parut point touché de ces marques de considération., que Stanhope lui vouloit faire valoir. Il répondit qu’il regardoit toujours le plan comme désavantageux, déshonorant pour l’Espagne, et comme dressé avec beaucoup de partialité en faveur de l’empereur ; que, si le roi d’Angleterre et le régent étoient résolus à refuser tout changement, le roi d’Espagne l’étoit aussi de rejeter tout l’ouvrage, et que, par cette raison, il étoit inutile de traiter davantage ; qu’il attaqueroit l’empereur avec toute la vigueur possible, quand même toute l’Europe le menaceroit de lui déclarer la guerre, qu’il en attendoit l’effet avant que de changer de résolution ; que, si les événements lui étoient contraires, il se retireroit auprès de sa cheminée, et tâcheroit de s’y défendre, n’étant pas assez don Quichotte pour attaquer tout le genre humain ; mais aussi qu’il auroit l’avantage de connoître ses ennemis, et que peut-être il trouveroit le temps et l’occasion de faire sentir sa vengeance ; qu’il préféroit donc un parti honorable à celui de se soumettre à des conditions infâmes. Cette déclaration fut soutenue d’une description pompeuse des forces d’Espagne. Si le pouvoir de cette couronne étoit demeuré comme éclipsé pendant plusieurs siècles, la faute ; dit Albéroni, devoit en être imputée, à ceux qui, se trouvant à la tête des affaires, les avoient follement et pitoyablement administrées. Mais au