Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/118

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répondit avec encore plus de chaleur qu’auparavant, que sitôt que l’escadre Anglaise paroîtroit dans la Méditerranée, les Anglois devoient s’attendre à être maltraités dans toutes les circonstances imaginables. Les vivacités d’Albéroni furent mêlées de mots entrecoupés du prétendant, de dispositions que le parlement prochain de la Grande-Bretagne témoigneroit vraisemblablement à l’égard de la guerre d’Espagne, de raisonnements et de pronostics sur la nécessité où l’Espagne et l’Angleterre se trouveroient indispensablement réduites de périr l’une ou l’autre ; enfin de tant de mouvements de colère, et si vifs, de la part du premier ministre, que Stanhope, au sortir de l’audience, dépêcha sur-le-champ des courriers aux consuls Anglois de tous les ports d’Espagne pour leur enjoindre de mettre sous leur garde tous les effets appartenant aux marchands de leur nation. On doutoit cependant encore à Madrid des intentions du roi d’Espagne. Quelques ordres donnés pour différer de quelques jours le départ de la flotte fit croire que Sa Majesté Catholique pourroit enfin accepter le projet, malgré tant de démonstrations contraires qu’elle avoit données au public. Les ministres de Sicile parurent plus inquiets et plus alarmés du soupçon qu’ils eurent d’une intelligence prochaine du roi d’Espagne avec l’empereur, que de la crainte qu’ils avoient eue que la Sicile ne fût effectivement l’objet de l’entreprise. Lascaris, entre autres, observa qu’Albéroni ne donnoit que le titre de duc de Savoie au roi de Sicile, dans une lettre que ce premier ministre lui communiqua, et qu’il écrivoit au prince de Cellamare. C’étoit un grand sujet de réflexions pour les ministres d’un prince défiant, qui d’ailleurs soupçonnoient avec beaucoup de raison la bonne foi et la sincérité du cardinal.

Il étoit parvenu à persuader au nonce Aldovrandi que c’étoit contre son avis et contre son sentiment que le roi d’Espagne s’engageoit dans la guerre. Il se lit même honneur d’avoir disposé ce prince à l’accommodement ; mais il prétendit que toutes ses mesures avoient été rompues par l’opiniâtreté