Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/16

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Une vive péroraison se termina par les plus fortes menaces, si le roi d’Espagne ne cessoit tous ses préparatifs. Le bruit que fit l’empereur à Rome de l’accusation qu’on a vu plus haut qu’il y avoit fait porter contre Albéroni sur un prétendu traité qu’il avoit fait avec la Porte, fut vivement renouvelé ; obligea le pape d’écrire un bref très fort au roi d’Espagne, qui néanmoins se référoit à ce que lui diroit son nonce sur la gravité de l’affaire dont il s’agissoit, telle qu’il n’en étoit point arrivé qui approchât de celle-là, depuis les dix-huit années de son pontificat, ni dont la gloire et la conscience de Sa Majesté Catholique pussent être plus fortement intéressées ; ce bref plein d’autres expressions véhémentes étoit de la main du pape, et devoit être présenté au roi d’Espagne par Aldovrandi. Ce nonce eut ordre de représenter en même temps à Sa Majesté Catholique que son honneur et sa conscience exigeoient qu’il rétablît incessamment sa réputation si horriblement attaquée, ce qu’il ne pouvoit qu’en se désistant de toute hostilité contre l’empereur, et tournant ses armes contre les infidèles, et de menacer, en cas de refus de déférer à cet avertissement, que Sa Sainteté ne pourroit se dispenser de prendre les résolutions que son devoir lui suggéreroit.

Ces résolutions étoient déjà méditées. Le pape, épouvanté de la colère de l’empereur, se persuadoit voir déjà les preuves de l’accusation que ce prince avoit fait porter par son ambassadeur à Rome contre Albéroni sur son prétendu traité avec les Turcs. Ainsi le pape s’étoit proposé de priver le roi d’Espagne des grâces que Rome avoit accordées à lui et à ses prédécesseurs telles que la crusade, le sussidio [1], et les millions uniquement destinés à soutenir une guerre continuelle contre les infidèles, et que Sa Sainteté, voyant le roi d’Espagne éloigné et sans forces en Italie, ne croyoit pas en

  1. Ces mots, qui désignaient des impôts particuliers, ont été expliqués plus haut.