Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/169

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étoit de les précipiter ; un négociateur habile et sincère devoit savoir qu’on ne pouvoit amener l’État que par degrés à consentir au projet du traité ; il devoit agir sur ce principe, et par conséquent Châteauneuf n’étoit pas excusable, puisqu’il savoit, que les députés d’Amsterdam entendoient que leurs signatures les engageoient à prendre part à toutes les mesures qu’on jugeroit nécessaires pour l’exécution du traité, toutefois autant que leurs divisions et le mauvais état de leurs finances le pourroient permettre. Nonobstant cette clause qu’on pouvoit effectivement regarder comme un moyen, que le roi d’Angleterre laissoit aux Hollandois de s’exempter de toute contribution aux frais de la guerre que le traité pouvoit exciter, les ministres de ce prince ne pouvoient pardonner à Châteauneuf d’avoir laissé entendre au régent que les États généraux, entrant dans le traité, ne seroient tenus qu’à la simple interposition, de leurs bons offices. C’étoit à leur avis un crime à l’ambassadeur de France d’avoir donné lieu par sa conduite et par ses discours aux soupçons injurieux formés contre la pureté des intentions du régent ; ils assurèrent le roi leur maître que la déclaration demandée par quelques députés étoit un acte qui n’engageoit ni la France ni l’Angleterre, qu’il n’en avoit pas même été fait mention sur le registre des états ; que le Pensionnaire avoit seulement spécifié dans ses notes particulières, au bas du registre, en quels termes les députés désiroient que la déclaration fût conçue. Les termes étoient les suivants : « Que si, contre toute attente, les rois d’Espagne et de Sicile refusoient d’accepter les conditions stipulées pour eux dans ledit traité et qu’il fût nécessaire de prendre des mesures ultérieures, les États généraux seroient dans une entière liberté de délibérer par rapport auxdites mesures, comme ils étoient avant que d’avoir signé le traité. »

Ainsi, disoient Cadogan et Widword, c’étoit une malice noire et un dessein formé d’embrouiller le traité que le retardement que Châteauneuf apportoit à s’expliquer comme