Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/195

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ne doutoit que cette ville, attaquée par les Espagnols, ne se rendît aussi facilement que Palerme. On doutoit encore si le roi de Sicile, averti depuis longtemps par l’abbé, del Maro son ambassadeur à Madrid, des dispositions, de l’Espagne, n’étoit pas secrètement de concert avec Sa Majesté Catholique, et si ce ne seroit pas en conséquence de cette intelligence secrète que les troupes du Piémont avoient été augmentées depuis peu jusqu’au nombre de quatorze mille hommes. De tels doutes augmentoient plutôt que de calmer les agitations du pape. Les armes du roi d’Espagne offensé paraissoient de nouveau comme aux portes de Rome, puisqu’il ne savoit pas encore quel progrès elles pourroient faire. Le duc de Savoie, s’il étoit son allié, pouvoit faciliter le succès ; il ne pouvoit les empêcher s’il étoit ennemi. L’empereur vouloit croire qu’il y avoit intelligence et liaison étroite entre le pape et le roi d’Espagne, et que les Espagnols n’avoient rien entrepris que de concert avec Sa Sainteté. La vengeance des Allemands, plus prochaine, plus facile et plus dure que toute autre, lui paraissoit aussi la plus à craindre ; elle crut par ces raisons que son intérêt principal et celui du saint-siège étoit de tout employer pour en prévenir les effets. Il falloit pour calmer le ressentiment vrai où feint que l’empereur témoignoit, que le pape fit voir évidemment qu’il n’avoit pas la moindre part à l’entreprise du roi d’Espagne ; que jamais le projet ne lui en avoit été communiqué, et que même Sa Sainteté avoit été abusée par les mensonges d’Albéroni ; qu’elle étoit irritée au point de rompre ouvertement avec le roi d’Espagne. Elle lui écrivit donc un bref fulminant, et pour justifier ses plaintes et sa conduite, en même temps que ce bref fut imprimé ; elle rendit publique une lettre que ce prince lui avoit écrite le 29 novembre de l’année précédente. Il promettoit expressément par cette lettre d’observer exactement la neutralité d’Italie sans inquiéter les États que l’empereur y possédoit, et sans y porter la guerre, pendant que les Turcs continueroient de faire la guerre en