Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de traité ; qu’enfin Lascaris, le dernier des ministres que ce prince avoit employés, étoit venu, au moment que la flotte partoit, déclarer qu’il avoit un pouvoir de son maître dans la forme la plus solennelle, pour conclure avec le roi d’Espagne une ligue offensive et défensive à des conditions véritablement à faire rire ; ce qu’on en sait est, que la première de ces conditions étoit deux millions d’écus que le duc de Savoie demandoit pour se mettre en campagne, et par mois soixante mille écus de subside ; la seconde, que le roi d’Espagne fît passer en Italie douze mille hommes, pour les unir aux troupes de Savoie et faire la guerre dans l’État de Milan. Mais Albéroni, persuadé qu’on ne pouvoit s’assurer sur la foi du duc de Savoie tant qu’il seroit maître de la Sicile, avoit jugé nécessaire que le roi d’Espagne s’en rendît maître soit pour la garder, soit pour la rendre au duc de Savoie si Sa Majesté Catholique, faisant la guerre aux Allemands, ne pouvoit procurer à ce prince une récompense plus avantageuse de son alliance avec l’Espagne.

Le cardinal, persuadé qu’il étoit de l’honneur et de l’intérêt de cette couronne d’avoir toujours un corps de troupes en Espagne, prenoit alors des mesures pour maintenir sur pied huit ou dix mille hommes de troupes étrangères. Ce fut à Cellamare qu’il s’adressa, pour savoir de lui quelles mesures il jugeroit nécessaires à prendre pour accomplir ce dessein. Cette marque de confiance ne s’accordoit guère avec le traitement que le cardinal del Giudice, oncle de Cellamare, recevoit alors de la cour d’Espagne, tous les revenus des bénéfices qu’il possédoit en Sicile ayant été mis en séquestre. Il est vrai que les revenus des bénéfices que d’autres cardinaux et prélats avoient dans le même royaume eurent aussi le même sort, depuis la descente des Espagnols en Sicile ; mais le vrai motif étoit l’animosité particulière d’Albéroni qui ne cessoit d’aigrir Leurs Majestés Catholiques contre Giudice, car il n’oublioit rien pour les engager à regarder et à traiter comme leurs ennemis personnels ceux