Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/229

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cour en Espagne en rendant compte exact non seulement de ce qui étoit, mais encore des faits qu’on supposoit contre le gouvernement du régent.

Les nouveautés introduites dans l’administration des finances, l’établissement de la banque, les projets qu’on attribuoit à Law, l’abus que le régent avoit fait de toutes ces nouveautés, l’opposition du parlement, une espèce de guerre entre les arrêts du conseil et les arrêts de cette compagnie pour les annuler, donnoient lieu d’ajouter foi à toutes les funestes prédictions qui se débitoient d’une guerre intestine et prochaine non seulement dans la capitale, mais encore dans toutes les parties du royaume. Cellamare recueilloit avec joie les faux avis et les étudioit avec d’autant plus de soin qu’il croyoit, en les donnant à Albéroni, effacer l’impression que ce premier ministre pourroit avoir prise contre le neveu du cardinal del Giudice, tel que l’étoit Cellamare. Il grossissoit donc tous les objets et croyoit donner une bonne nouvelle à Madrid en assurant que le régent faisoit venir autour de Paris plusieurs régiments ; que l’ordre étoit donné aux gardes ainsi qu’aux mousquetaires de se tenir prêts. Il espéroit en même temps que la république de Hollande refuseroit d’entrer dans le traité qui se négocioit à Londres, pour former l’alliance dont il étoit question depuis longtemps entre l’empereur, la France, l’Angleterre et les États généraux ; traité dans lequel on s’efforçoit inutilement de faire entrer le roi d’Espagne, et dont la négociation étoit le sujet de l’envoi du sieur de Nancré à Madrid de la part de la France, et de celui du comte de Stanhope, de la part de l’Angleterre.

Mais pendant que l’ambassadeur d’Espagne se flattoit de tant de vaines espérances, le traité de la quadruple alliance négocié à Londres fut signé premièrement dans cette ville le 2 août, et ensuite à Vienne et à la Haye, le roi d’Espagne ayant refusé d’y entrer, nonobstant les vives instances qui lui en avoient été faites. Le prétexte de cette quadruple alliance