Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/233

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d’Utrecht ; et réciproquement, on prétendoit en Angleterre que ces conditions n’étoient pas exécutées de la part de l’Espagne, principalement en ce qui regardoit le privilège de la traite des nègres, en sorte que le préjudice, que le commerce des sujets de la Grande-Bretagne en souffroit, aigrissoit une nation également superbe et avare, plus facile à blesser qu’il n’est facile de l’adoucir. Les Hollandois eurent en même temps sujet de craindre un trait de la vengeance du czar, aussi facile au moins que les Anglois à s’irriter, et plus difficile à calmer. Le résident de Hollande auprès de lui avoit dit imprudemment, et même écrit, que le czarowitz étoit mort de mort violente, et que le penchant à la révolte étoit général en Moscovie. Le czar, offensé d’un pareil discours, avoit fait arrêter ce résident sans égard au droit des gens, et s’étoit emparé de tous ses papiers. Non content d’une expédition si violente et si contraire à la sûreté dont un ministre étranger doit jouir, ce prince demanda satisfaction à la république de Hollande, déclarant qu’il feroit arrêter tous les vaisseaux Hollandois allant dans les ports de Suède, et qu’il retiendroit en prison le résident de la république, jusqu’à ce qu’il eût nommé ceux dont il tenoit de tels avis.

Quoique l’esprit de paix dût régner dans les principaux États de l’Europe, après avoir essuyé de longues guerres, dont le temps et le repos étoient les seuls moyens de réparer les dommages, la défiance réciproque entre les princes étoit telle, qu’aucun d’eux ne s’assuroit sur la bonne foi de ceux même que l’intérêt commun et le désir de la paix engageoient à se secourir. Ainsi le roi de Sicile se défioit et de la France et de l’Angleterre, et différoit d’accepter les assistances qui lui étoient offertes de part et d’autre, s’il souscrivoit au projet que ces deux puissances lui proposoit. Il ne vouloit s’expliquer que lorsqu’il seroit établi dans la possession tranquille du royaume de Sicile, et que l’Espagne auroit restitué la Sardaigne à l’empereur. En vain l’Angleterre le menaçoit