Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/237

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des Espagnols suspendoit toute décision de la négociation du comte de Stanhope à Madrid. L’intention d’Albéroni étoit de la prolonger et de la régler suivant les nouvelles qu’il recevroit d’Italie, persuadé que d’ailleurs on ne pouvoit être trop en garde contre les artifices de la cour de Vienne, dont toute la conduite, disoit-il, étoit un tissu de momeries, et dans l’opinion qu’il n’y avoit à la cour d’Espagne que des stupides et des insensés. Peut-être ne pensoit-il pas mieux de ceux qui se mêloient en France des affaires les plus importantes ; car en parlant du maréchal d’Huxelles, il disoit « que ce pauvre vieux maréchal avançoit comme un trait de politique profonde que, la supériorité de l’empereur étant bien connue, il falloit travailler à l’augmenter. » Raisonnement et conséquence qu’il étoit assez difficile de comprendre. Un ministre éclairé et pénétrant, tel que l’étoit Stanhope, comprit aisément et dès les premières conférences qu’il eut avec Albéroni, que, malgré les protestations de ce cardinal de son adversion pour la guerre et du désir d’établir une paix solide, on ne devoit cependant attendre de sa part aucune facilité pour un accommodement. Albéroni, rejetant sur son maître tout ce qu’il y avoit d’odieux dans le désir de la guerre, protestoit qu’il n’en étoit pas l’auteur, et que, s’il en étoit le maître, la paix régneroit bientôt dans toute l’Europe, qu’il ne désiroit pour le roi d’Espagne aucune augmentation d’États en Italie parce que, gouvernant bien son royaume renfermé dans son continent, et possédant les Indes, il seroit beaucoup plus puissant qu’en dispersant ses forces. Oran, suivant la pensée d’Albéroni, valoit mieux que l’Italie. Leurs Majestés Catholiques avoient cependant pris à cœur, les affaires d’Italie, et ne souffriroient pas que l’empereur se rendît maître d’une si belle partie de l’Europe. À ces vues politiques, le cardinal ajoutoit que la paix et l’amitié des puissances voisines étoit ce qui convenoit le mieux à ses intérêts particuliers et personnels. Sans cette union, il étoit impossible de soutenir la