Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/244

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des cardinaux de Rohan et de Bissy, et des principaux athlètes de cette déplorable bulle, de tout ordre et de toute espèce, avec une suite, une exactitude, une précision qui ôtent tout moyen de s’inscrire en faux contre la moindre circonstance de tant de faits secrets et profonds et presque tous plus scélérats et plus abominables les uns que les autres, et le parfoit contradictoire en plein en droiture, candeur, douceur, vérité, et trop de patience et de mesure dans le cardinal de Noailles et les principaux qui ont figuré de ce côté avec lui et sous lui.

Quoique la netteté, le coulant, la noblesse et la correction du style que j’ai copié, fasse par son agrément et sa douceur sauter aux yeux sa différence d’avec le mien, je n’ai pas voulu toutefois laisser ignorer au lecteur, si jamais ces Mémoires en trouvent, ce qui n’est pas de moi, par le mépris que j’ai pour les plagiaires, et lui donner en même temps la confiance la plus entière dans ce que je rapporte des affaires étrangères, en lui expliquant d’où je l’ai pris pour suivre fidèlement la règle que je me suis imposée, de ne rien exposer dans ces Mémoires qui n’ait passé par mes mains ou sous mes yeux, ou qui ne soit tiré des sources les plus certaines que je nomme en exprimant de quelle manière je l’y ai puisé. Reste maintenant, avant que de reprendre le fil des événements de cette année 1718, à faire quelques courtes réflexions sur ce qu’on vient de voir des affaires étrangères. Ce n’est pas que j’ignore le peu de place et la rareté dont les réflexions doivent occuper qui fait et qui lit des histoires, et plus encore des Mémoires, parce qu’on veut suivre les événements, et que la curiosité ne soit pas interrompue pour ne voir que des raisonnements souvent communs, insipides et pédants, et ce que celui qui écrit veut donner à penser de son esprit et de son jugement. Ce n’est point aussi ce qui me conduit à donner ici quelques réflexions, mais l’importance de la matière et les suites funestes de l’enchaînement qu’elles ont formé, sous lesquelles la France gémira peut-être des siècles.