Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/260

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Mais le ministère Anglois l’ayant si belle, étoit trop habile pour en demeurer là ; il n’avoit pas donné une pension si immense au maître des démarches de la France, pour n’en pas tirer un parti proportionné, tant que dureroit la toute puissance du ministre de France qui la recevoit. Nous verrons bientôt qu’ils en tirèrent la complaisance non seulement de souffrir tranquillement que les escadres Anglaises assiégeassent celles d’Espagne dans les ports espagnols des Indes, un an durant et plus, les y fissent périr, y empêchassent tout secours et fissent cependant tout le commerce des Indes par contrebande ; mais encore de tirer de la France tous les subsides suffisants à l’armement et à l’entretien des escadres Anglaises, tant qu’il leur plut de maintenir ce blocus qui se fit tout entier à nos dépens en toutes les sortes je dis en toutes les sortes pour la réputation, parce que de la France à l’Espagne rien ne pouvoit avoir moins de prétexte ni être plus odieux, et à la fin de plus difficile à cacher, puisque l’intérêt des Anglois à tenir toujours brouillées les deux branches royales de la maison de France, n’avoit garde d’être de moitié du secret que le régent du moins auroit voulu garder et qu’il crut vainement exiger d’eux ; et parce que rien n’étoit plus ruineux à l’Espagne et à la France que de livrer les mers, tout le commerce et le nouveau monde aux Anglois. Cette ruine ne sera pas sitôt réparée ; les Espagnols sont encore aujourd’hui aux prises avec les Anglois pour le commerce des Indes, et par l’affaiblissement que leur a causé l’abbé Dubois, ils ont vainement acheté quelques intervalles de paix par les plus avantageuses concessions de commerce et d’établissements aux Anglois, qui ne s’en sont fait que des degrés et des titres pour en obtenir davantage, et qui enfin, les armes à la main, se servent de tout ce qu’ils ont acquis sur le commerce et sur les établissements ; pour s’y accroître de plus en plus, et devenir enfin les seuls maîtres de toutes les mers et de tout le commerce, et dominer l’Espagne dans les Indes, tandis que sa