Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/288

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Il y en eut un autre extraordinaire le jeudi 30 au matin ; le garde des sceaux y lut un résumé plus de lui que des précédents conseils sur cette affaire. Je m’y tins en tout fort réservé et fort concis. J’étois en garde contre l’opinion que M. le duc d’Orléans avoit prise, que je haïssais le parlement depuis le bonnet. J’étois piqué de la façon dont il s’étoit conduit dans cette affaire. Je l’étois de sa mollesse à son propre égard, et de l’autorité du roi dans les diverses échappées du parlement à ces égards, et je lui avois bien déclaré que jamais je ne lui ouvrirois la bouche sur cette matière. Je tins parole avec la plus ferme exactitude, et je ne voulus dire au conseil que ce que je ne pouvois m’empêcher d’opiner, mais dans le plus simple et court laconique, et peu fâché, car il faut l’avouer, de l’embarras du régent avec le parlement. Au sortir de ce conseil, la chambre des comptes, et après elle la cour des aides, vinrent faire leurs remontrances au roi, mais fort mesurées, sur le même édit.

Le samedi 2 juillet, la même députation du parlement vint aux Tuileries recevoir la réponse du roi ; le garde des sceaux la fit en sa présence, et de tout ce qui voulut s’y trouver. Le régent et tous les princes du sang y étoient, les bâtards aussi. Argenson, si souvent malmené, et même fortement attaqué par cette compagnie étant lieutenant de police, lui fit bien sentir sa supériorité sur elle, et les bornes de l’autorité que le roi lui donnoit de juger les procès des particuliers sans qu’elle pût s’ingérer de se mêler d’affaires d’État. Il finit par leur dire qu’il ne seroit rien changé à l’édit des monnaies, et qu’il auroit son effet tout entier sans aucun changement. Ces, messieurs du parlement ne s’attendoient pas à une réponse si ferme, et se retirèrent fort mortifiés.

Pendant cette contestation les états de Bretagne, dès le premier ou le second jour qu’ils furent assemblés, accordèrent le don gratuit par acclamation à l’ordinaire [1]. Cela

  1. On a mis sur la marge du manuscrit la note suivante : « Il n’y eut point d’acclamation ; on prit un mezzo-termine, qui subsiste encore aujourd’hui. » Cette note est de la même main, qui avait ajouté les deux notes que nous avons reproduites précédemment.