Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais j’en montrai aussitôt après le remède, par la proposition que je fis de tenir le lit de justice aux Tuileries. Par cet expédient, nulle nécessité d’avertir personne que le matin même qu’il se tiendroit, et par ce secret chacun hors de mesure et de garde nul prétexte par rapport au roi, et toute liberté, soit par rapport au peuple, soit par rapport à la force dont on pourroit avoir besoin, laquelle seroit plus crainte et plus sûre, sans sortir de chez le roi qu’au palais. Ce fut à quoi nous nous arrêtâmes, et Law parti, je dictai un mémoire à Fagon de tout ce que j’estimois nécessaire tant pour conduire ce dessein avec secret, que pour en assurer l’exécution, et en prévenir tous les obstacles. Sur les neuf heures du soir nous eûmes fait ; je lui conseillai de le porter à l’abbé Dubois, revenu d’Angleterre avec un crédit nouveau sur l’esprit de son maître. J’avois su par Law, avant cette conférence, ce que j’ai expliqué ci-dessus des sentiments de cet abbé et du garde des sceaux, et de leur résolution de presser le récent de se tirer de page. Dans la visite que Dubois me rendit le surlendemain de son arrivée, où il me rendit poliment compte de sa négociation en homme qui ne demande pas mieux pour s’attirer des applaudissements, nous traitâmes après la matière du parlement. Il m’y avoit paru dans de bons sentiments. C’étoit un personnage duquel on ne pouvoit espérer de se passer dans sa situation présente auprès du régent, et nous comptions de nous en servir pour achever de déterminer son maître. Tel fut le plan du vendredi 19 août, qui fut le premier jour que j’entendis pour la première fois parler sérieusement que le régent, enfin alarmé, vouloit faire quelque chose pour se tirer des pattes de la cabale et de celles du parlement. Il faut remarquer que depuis le 12 août, jour de son arrêt célèbre, nous étions bien avertis de ce qui se brassoit pour aller vigoureusement en avant, et de sa résolution de commettre pour l’information susdite de ce qu’étoient devenus les différents billets d’État, quoiqu’elle né fût consommée et