Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/328

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et lui étoient, deux cadets tout pareils. Cela arrêta un moment M. le Duc ; il me proposa le mariage de Mlle de Valois, que son frère avoit toujours désiré.

Comme je traitois alors très secrètement celui du prince de Piémont avec elle, qui dépendoit de convenances d’échange d’États sur l’échange de la Sicile, et qui pouvoit traîner en longueur, je m’étois bien gardé de rien dire qui fît naître cette ouverture ; mais il fallut répondre. Je dis donc assez crûment qu’ils étoient tous deux de bonne maison et bien sortables, mais que ce seroit la faim qui épouseroit la soif. M. le Duc l’avoua, et ajouta qu’en ce cas c’étoit au régent à pourvoir sa fille convenablement à un mari qui n’auroit rien de lui-même. Je repartis que l’état du royaume ne permettoit pas de faire un mariage à ses dépens. M. le Duc en voulut disconvenir en faveur des princes du sang. « Tant d’égards pour eux qu’il vous plaira, monsieur, lui répondis-je ; mais approfondissez et voyez qui s’accommodera en France, en l’état où on est, de contribuer aux mariages de princes du sang qui n’ont rien, et qui, à l’essor qu’ils ont pris, ne vivront pas avec quatre millions pour eux deux. » Il contesta sur la nécessité de quatre millions au moins, mais il n’insista plus tant sur savoir où les prendre. Je me crus bien alors, mais ce bien ne dura que pendant quelques verbiages sur les dépenses des princes du sang d’autrefois, et de ceux d’aujourd’hui ou que nous avons vus.

Après cela M. le Duc tourna court, et me dit que M. du Maine fournissoit à tout, si M. le duc d’Orléans le vouloit, même à M. de Chartres, qui n’étoit revêtu de quoi que ce soit ; qu’il lui pouvoit donner les Suisses et l’un des deux gouvernements, et l’autre à son frère. « J’entends bien, repartis-je, mais un gouvernement, est-ce de quoi se marier ? — Mais au moins, répondit-il, c’est de quoi vivre et revenir ici. Après cela on a du temps pour voir au mariage. — Monsieur, lui dis-je, vous voyez quel train nous allons de l’éducation au dépouillement, et il est vrai qu’il n’est pas sage de