Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/336

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cabinet. Je m’y résolus donc après avoir dit que je m’en allois aussi, et que ce n’étoit que pour prendre l’ordre d’une autre heure, parce que la fin de la matinée des dimanches étoit une des miennes, depuis que l’après-dînée, qui l’étoit, étoit remplie par le conseil qui se tenoit auparavant le matin. J’usai donc de la liberté d’interrompre Son Altesse Royale, mais au lieu d’entrer j’aimai mieux l’envoyer supplier, par le premier valet de chambre, de me venir dire un mot pressé. Il parut aussitôt ; je le pris dans la fenêtre, et lui dis que, tandis qu’il s’amusoit entre ces deux cardinaux qui lui faisoient perdre un temps infiniment pressé et précieux pour un accommodement qu’ils ne vouloient point faire, j’avois à lui rendre un compte fort long, et avant qu’il vît M. le Duc qui alloit, revenir d’une grande et très importante conversation que j’avois eue avec lui ce matin même sur un billet que j’en avois reçu. Il me répondit qu’il s’en doutoit bien, parce que M. le Duc lui venoit de dire qu’il m’avoit écrit et vu, que c’étoit pour gagner le temps de me voir qu’il s’en étoit défait sur le compte de l’affaire des cardinaux qui en effet devoit durer encore plus d’une heure, mais qu’il me prioit de rester et qu’il alloit les renvoyer. Il rentra, leur dit qu’il étoit las, que cette affaire s’entendroit mieux en deux fois qu’en une, et en moins d’un demi-quart d’heure ils sortirent avec leur portefeuille sous le bras. J’entrai en leur place, et portes fermées nous demeurâmes à nous promener dans la galerie, M. le duc d’Orléans et moi, jusqu’à trois heures après midi, c’est-à-dire plus de deux bonnes heures.

Quelque longue qu’eût été ma conversation avec M. le Duc, je la rendis tout entière à M. le duc d’Orléans sans en oublier rien, et chemin faisant j’y ajoutai mes réflexions. Il fut surpris de la force de mes raisons pour ne pas tomber sur M. du Maine, et fort effarouché de la ténacité de M. le Duc sur ce point. Il me dit qu’il étoit vrai, qu’il lui avoit demandé les trois projets d’édits différents, et qu’il les lui