Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/342

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le régent contre le parlement et sur le lit de justice. Mais ce commerce de M. le Duc eût davantage surpris et aiguisé la curiosité de l’abbé Dubois, grand fureteur. Je n’eus donc garde de lui en rien dire. Mal m’en prit en un sens, qui fut que je ne pus jamais me défaire de lui à temps. Enfin pourtant je le renvoyai, et montai devant lui dans le carrosse de Fagon, comme j’avois fait la première fois devant M. de La Force.

Je descendis aux Tuileries, et Fagon les traversa pour ne rien montrer à ses gens. Je courus toute l’allée du rendez-vous marqué. Je regardois les gens sous le nez. Je parcourus trois fois l’allée et même le bout du jardin. Ne trouvant rien, je sortis pour chercher parmi les carrosses si celui de M. le Duc y était. Je trouve mes laquais qui crient et me font faire place. Je les aurois battus de bon cœur. Je leur demandai doucement pourtant ce qu’ils faisoient là, et leur dis de m’aller attendre où je leur avois marqué. Je rentrai honteux dans le jardin, et de tout ce manège je ne gagnai que de la sueur.

Remontons maintenant pour un moment à la première origine de cette affaire, c’est-à-dire à la cause principale qui la mit en mouvement. J’ai dit que ce fut l’intérêt particulier de Law, d’Argenson, de l’abbé Dubois. Mais ce fut celui du duc de La Force, pour être du conseil de régence, qui excita Law qui s’endormoit, et, par lui, M. le Duc et l’abbé Dubois, ami de Law, et enfin Argenson, par M. de La Force d’une part, et par l’abbé Dubois de l’autre. Tant il est vrai que, dans les affaires qui semblent parler et presser d’elles-mêmes, et en général toutes les grandes affaires, si on les recherche bien, il se trouvera que rien n’est plus léger que leur première cause, et toujours un intérêt très incapable, ce semble, de causer de tels effets.

Le régent, avec sa facilité et sa timidité ordinaires, se défioit du conseil de régence sur le parlement, et ne pouvoit s’en passer dans cette lutte avec cette compagnie, où il s’agissoit