Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/359

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chose qui ne méritoit que cela ; il fut pressé ; il répondit qu’il n’y avoit songé. Le comte lui demanda s’il en pouvoit assurer son frère, et sur le oui, lui demanda s’il en étoit mécontent, et d’où pouvoit venir ce bruit. Le régent répondit que pour le bruit il en ignoroit la cause, mais que, pour content, il ne pouvoit l’être. Le comte voulut approfondir ; sur quoi M. le duc d’Orléans lui demanda ce qu’il penseroit de remuer le parlement. Le comte lui répondit avec franchise que cela lui paroîtroit très criminel, et s’informa s’il y en avoit quelque chose sur le compte de son frère. M. le duc d’Orléans répondit qu’il n’en pouvoit douter par des preuves très sûres, et tout de suite lui demanda que lui sembleroit d’un commerce en Espagne, et avec le cardinal Albéroni. « Encore pis, répondit nettement le comte, je ne regarderois pas cela différemment d’un crime d’État ; » et sur ce que M. le duc d’Orléans lui laissa entendre qu’il en savoit le duc du Maine coupable, le comte lui dit qu’il ne pouvoit soupçonner son frère jusqu’à ce point ; qu’il le supplioit de bien prendre garde à la vérité de ce qui en pouvoit être ; que pour lui, il lui avoit donné sa parole, parce qu’il considéroit l’État et Son Altesse Royale comme une seule et même chose ; qu’ainsi il lui répondoit de soi, mais qu’il ne lui répondoit pas de son frère.

Cette conversation me parut infiniment importante, et les réflexions que j’y fis allongèrent fort la nôtre. Je dis à M. le duc d’Orléans que je ne voyois rien de si net ni de plus estimable que le procédé du comte de Toulouse, en, même temps rien de si fort contre le duc du Maine que ce que son frère, si engagé à le soutenir, lui déclaroit pourtant qu’il n’en pouvoit répondre. Le régent me parut y faire beaucoup d’attention. Je lui dis qu’un tel propos la méritoit tout entière, et lui faisoit sentir la grandeur de sa faute d’avoir laissé le duc du Maine entier ; que néanmoins il ne devoit pas s’en frapper jusqu’à perdre de vue l’espèce présente, je veux dire l’union du duc du Maine avec le parlement, et le