Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/361

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enragé ni moins irréconciliable [1] d’y ajouter sa réduction à son rang de pairie. Il me répondit qu’il l’avoit déjà voulu une fois ; que M. le Duc s’y étoit opposé par l’idée de se séparer de nous par mettre entre deux un rang intermédiaire ; qu’il étoit bien aise de me le dire nettement pour que je ne m’amusasse pas aux propos de M. le Duc, avec lequel il faudroit bien voir, s’il se portoit à lui donner l’éducation du roi, mais sans lequel cela étoit impossible. Avec cela je m’en allai avec un commencement d’espérance, dont voici le raisonnement, supposé l’éducation changée de main.

Je comprenois de reste que ni M. le duc d’Orléans, ni M. le Duc ne se soucioient de la restitution de notre rang. Je comptois bien même qu’ils tâcheroient de l’éluder l’un par l’autre, le régent surtout, grand maître en ces sortes de tours d’apparente souplesse qui se démêlent avec exécration bientôt après ; mais je sentis aussi qu’il ne résisteroit non plus à M. le Duc en ce point, si celui-ci se le mettoit dans la tète, que dans l’affaire de l’éducation, a fortiori, et qu’il n’étoit rien moins qu’impossible d’y déterminer M. le Duc qui croyoit avoir un besoin capital de moi, se conduisoit avec moi de même, étoit convaincu de son aveu fait à moi-même de la fausseté de son ancienne idée de rang intermédiaire, et tacitement encore par ne le vouloir pas dire par gloire, de la sottise qu’il avoit faite de ne nous avoir pas mis à leur suite contre les bâtards. Or il étoit à même de réparer l’une et l’autre faute ; lui-même y avoit pensé, puisqu’il l’avoit proposé par l’un des trois projets d’édits. Il n’étoit donc plus question que de lui parler ferme, et de me servir de sa passion démesurée de l’éducation pour servir la mienne de la restitution de notre rang. C’est une des choses que je roulai le plus dans ma tête le reste de la journée, mais qui n’y roula qu’en second, tant j’eus peur de moi-même, et de ne pas éloigner avec le désintéressement

  1. Le manuscrit porte réconciliable. C’est une erreur évidente : il faut lire irréconciliable.