Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/364

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sentir toutes les conséquences que je lui remis devant les yeux. Nous les discutâmes encore, et ce ne fut de part et d’autre que redites de nos précédentes conversations, parmi lesquelles il me répéta à diverses reprises les manquements de parole qu’il avoit essuyés là-dessus et auxquelles il ne pouvoit plus se fier, et sa protestation encore plus durement que la veille d’attachement au régent ou de ne faire pas un pas pour son service, selon que l’éducation lui seroit ou ne lui seroit pas donnée dans le vendredi prochain.

Voyant que c’étoit perdre temps que d’espérer davantage de le ramener là-dessus, il me vint dans l’esprit de lui faire une proposition qui me parut devoir être goûtée : « Monsieur, lui dis-je, je vois bien ce qui vous tient, vous ne voulez plus tâter des paroles et vous voulez user de l’occasion présente ; vous avez raison ; mais vous convenez aussi que si vous n’aviez pas été si souvent trompé, vous ne vous opiniâtreriez pas à vouloir l’éducation dans la même séance qui doit si fort mortifier le parlement, parce que vous en sentez toutes les dangereuses conséquences. — Cela est vrai, me répondit-il : je voudrois de bon cœur pouvoir séparer l’un de l’autre ; mais, après ce qui s’est passé tant de fois, quelle sûreté aurois je et quelle folie à moi de m’y laisser aller ? — Attendez, monsieur, répliquai-je. Il me vient sur-le-champ une idée dans la tête que je ne vous réponds pas que M. le duc d’Orléans adopte, mais que je vous réponds de lui proposer, si vous la goûtez, et comme je la crois raisonnable de faire tout ce qui est en moi pour qu’il l’exécute. Je voudrois que M. le duc d’Orléans vous écrivît un billet signé de lui, par lequel il vous donnât sa parole de vous donner l’éducation du roi à la rentrée du parlement. Par là elle vous est immanquable ; car, s’il vous tient parole, vous avez votre but, s’il y vouloit manquer, vous avez en main de quoi le rendre tout aussi irréconciliable avec M. du Maine que s’il lui avoit ôté l’éducation, et par là vous le forcez à le faire, pour ne demeurer pas tout à la fois brouillé avec