Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/37

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excellente pour faire voir à cette puissante ville, si jalouse du commerce qui est la base de sa grandeur, ce qu’elle avoit à craindre en tout temps de la part des Anglois, ses rivaux irréconciliables. C’étoit le temps où elle donne des instructions aux députés qu’elle a coutume d’envoyer aux états de la province : ainsi Beretti regardoit comme un point capital de prévenir en faveur du roi d’Espagne une ville qui donne la règle et le mouvement à la Hollande, comme la Hollande le donne aux six autres provinces de l’Union.

Malgré ces diligences qu’il eut grand soin de faire valoir en Espagne, il avoua cependant qu’il ne pouvoit espérer rien de bon depuis que la France et l’Angleterre, unies contre le roi d’Espagne, travailloient et réussissoient à réunir les deux partis de cette république, opposés l’un à l’autre depuis tant d’années. Il sembloit que cet ambassadeur n’eût de ressourcé que de se plaindre comme d’une chose qui faisoit, disoit-il, mal au cœur de voir l’ambassadeur de France aller de porte en porte avec le ministre d’Angleterre, solliciter les députés aux États généraux d’accepter un traité uniquement avantageux à l’empereur, et que ce prince affectoit de regarder avec indifférence. Toute vigueur sembloit éteinte dans la république, parce qu’elle étoit en effet dans une situation très fâcheuse. La dernière guerre avoit épuisé ses finances. Pendant son cours les Anglois, dominant en Hollande, avoient profité de la conjoncture pour usurper sur les Hollandois beaucoup d’avantages dans le commerce, qu’ils avoient conservés après la paix. La sûreté que les Provinces-Unies crurent trouver par leur Barrière en exigeant de la France et de l’Espagne de laisser les Pays-Bas à l’empereur, les assujettissoit à dépendre des Impériaux, en sorte que cette république dont les résolutions étoient autrefois d’un si grand poids dans les affaires de l’Europe, paraissoit réduite à suivre encore longtemps les mouvements de l’Angleterre, et à recevoir la loi d’elle et de l’empereur. Toutefois