Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/371

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qu’ils sortent. —A la bonne heure, répondis-je, c’est un expédient ; mais cela fera mouvement ; et dans ce mouvement on aura le temps de se parler, de se fortifier contre le premier étonnement. Ceux qui seront pour vous n’auront plus votre présence, et, comme il s’agit de nouveauté en votre faveur et de détruire l’effet de la volonté domestique du feu roi enregistrée en lit de justice, il faut bien plus pour l’emporter que pour l’empêcher. Monsieur, ceci est capital au moins, et cette mécanique est bien à balancer ; car entamer une telle affaire et en recevoir l’affront, vous voyez où cela jette. Je n’ai pas besoin de vous le commenter. Et si à tout ce bruit et à quelque sottise que peut fort bien dire le maréchal de Villeroy, le roi se prend à pleurer et à dire qu’il veut M. du Maine, où tout ceci aboutira-t-il ? Monsieur, je vous le répète, je vous adjure comme François, comme successeur possible à la couronne par le droit de votre naissance, comme enfant de la maison, que votre haine pour M. du Maine n’y mette pas le feu. Quand vous l’y aurez porté, votre douleur tardive ne l’éteindra pas, et vous ne vous consolerez jamais d’avoir mis le comble aux maux d’un État qui, à tant de titres, vous doit être si précieux et si cher. » Je me tus pour lui laisser faire ses réflexions.

Après quelques moments de silence il me dit que ces difficultés lui étoient nouvelles, et que M. le duc d’Orléans ne les lui avoit point faites ; que pourtant il y falloit penser et trouver un remède avant de nous séparer ; qu’il me le répétoit donc aussi que ce seroient troubles pour troubles, parce que ces deux choses étoient également et très exactement vraies ; qu’il étoit perdu si l’éducation demeuroit au duc du Maine, et qu’il ne verroit pas quatre ans durant venir sa perte sans mettre le tout pour le tout pour l’empêcher ; que tout bien considéré encore, il n’étoit pas moins vrai que plus le temps s’avanceroit plus les bâtards aussi se fortifieroient, et plus l’éducation deviendroit dangereuse à leur ôter, plus