Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/426

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des yeux égarés sur la compagnie avec un trouble de coupable et une agitation de condamné. Alors le maréchal d’Huxelles m’appela. Il étoit vis-à-vis du duc du Maine, la table entre deux, y avoit le dos tourné, par conséquent au duc du Maine. Le maréchal étoit là en groupe avec les maréchaux de Tallard et d’Estrées et l’ancien évêque de Troyes, desquels le duc de Noailles s’approcha en même temps que moi.

Huxelles me demanda ce que c’étoit donc que toutes ces allées et venues, et sur ce que je lui en fis pour réponse la même question à lui-même, il me demanda s’il y avoit quelque difficulté au lit de justice pour ces princes ou peut-être pour les enfants de M. du Maine. Je lui répondis que, pour MM. du Maine et de Toulouse, il n’y en pouvoit avoir, parce que l’arrêt intervenu entre les princes du sang et eux les laissoit dans la jouissance de tous les honneurs qu’ils avoient ; mais que, pour les enfants du duc du Maine, nous ne les y souffririons pas.

Nous restâmes quelque peu ainsi en groupe, moi occupé à regarder M. du Maine, et de me tourner quelquefois à regarder le colloque du régent et du comte de Toulouse, qui persévéroit. Il se sépara enfin, et j’eus le temps de bien remarquer les deux frères, parce que le comte de Toulouse revint vers nous, la table entre-deux, le long des pieds des lits, trouver son frère, toujours resté seul debout sur son bâton, au pied du lit du maréchal de Villeroy, à la même place d’où il n’avoit bougé. Le comte de Toulouse avoit l’air fort peiné, même colère. Le duc du Maine, le voyant venir à lui de la sorte, changea tout à fait de couleur.

Je demeurois là bien attentif, les considérant se joindre, sans que le duc du Maine eût branlé de sa place, pour pénétrer leur conversation de mes yeux, lorsque je m’entendis appeler. C’étoit M. le duc d’Orléans qui, après avoir fait quelques pas seul le long de la cheminée, me vouloit parler. Je le joignis et le trouvai en trouble de cœur. « Je lui viens de tout dire, me déclara-t-il à l’instant, je n’ai pu y tenir ;