Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/434

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que n’y ayant que la voie du lit de justice pour y parvenir, il avoit estimé le devoir faire tenir fort secret pour ne pas donner lieu aux cabales et aux malintentionnés d’y essayer à continuer la désobéissance, en leur donnant le temps de s’y préparer ; qu’il avoit cru, avec M. le garde des sceaux, que la fréquence et la manière des remontrances du parlement méritoit que cette compagnie fût remise dans les bornes du devoir, que depuis quelque temps elle avoit perdu de vue ; que M. le garde des sceaux alloit lire au conseil un arrêt qui contenoit la cassation délibérée et les règles qu’elle devoit observer à l’avenir. Puis, regardant le garde des sceaux : « Monsieur, lui dit-il, vous l’expliquerez mieux que moi à ces messieurs : prenez la peine de le faire avant que de lire l’arrêt. »

Le garde des sceaux prit la parole, et paraphrasa ce que Son Altesse Royale avoit dit plus courtement ; il expliqua ce que c’étoit que l’usage des remontrances, d’où il venoit, ses utilités, ses inconvénients, ses bornes, la grâce de les avoir rendues, l’abus qui en étoit fait, la distinction de la puissance royale d’avec l’autorité du parlement émanée du roi, l’incompétence des tribunaux en matière d’État et de finances, et la nécessité de la réprimer par une manière de code (ce fut le terme dont il se servit), qui fût à l’avenir la règle invariable du fond et de la forme de leurs remontrances. Cela expliqué sans longueur, avec justesse et grâce, il se mit à lire l’arrêt tel qu’il est imprimé, et entre les mains de tout le monde, à quelques bagatelles près, mais si légères, que leur ténuité me les a fait échapper.

La lecture achevée, le régent, contre sa coutume, montra son avis par les louanges qu’il donna à cette pièce ; puis, prenant un air et un ton de régent que personne ne lui avoit encore vu, qui acheva d’étonner la compagnie, il ajouta : « Pour aujourd’hui, messieurs, je m’écarterai de la règle ordinaire pour prendre les voix, et je pense qu’il sera bon que j’en use ainsi pour tout ce conseil. » Puis, après un léger