Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/472

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en chef, lui ordonna d’apporter ses papiers et son petit bureau près du sien pour faire tout présentement et tout de suite, et en présence du roi, tous les enregistrements de tout ce qui venoit d’être lu et ordonné, et les signer. Cela se fit sans difficulté aucune, dans toutes les formes, sous les yeux du garde des sceaux, qui ne les levoit pas de dessus ; mais, comme il y avoit cinq ou six pièces à enregistrer, cela fut long à faire.

J’avois fort observé le roi lorsqu’il fut question de son éducation, je ne remarquai en lui aucune sorte d’altération, de changement, pas même de contrainte. Ç’avoit été le dernier acte du spectacle, il en étoit tout frais lorsque les enregistrements s’écrivirent. Cependant, comme il n’y avoit plus de discours qui occupassent, il se mit à rire avec ceux qui se trouvèrent à portée de lui, à s’amuser de tout, jusqu’à remarquer que le duc de Louvigny, quoique assez éloigné de son trône, avoit un habit de velours, à se moquer de la chaleur qu’il en avoit, et tout cela avec grâce. Cette indifférence pour M. du Maine frappa tout le monde et démentit publiquement ce que ses partisans essayèrent de répandre que les yeux lui avoient rougi, mais que, ni au lit de justice ni depuis, il n’en avoit osé rien témoigner. Or, dans la vérité, il eut toujours les yeux secs et sereins et il ne prononça le nom du duc de Maine qu’une seule fois depuis, qui fut l’après-dînée du même jour, qu’il demanda où il alloit d’un air très indifférent, sans en rien dire davantage, ni depuis ni nommer ses enfants ; aussi ceux-ci ne prenoient guère la peine de le voir, et, quand ils y alloient, c’étoit pour avoir jusqu’en sa présence leur petite cour à part et se divertir entre eux. Pour le duc du Maine, soit politique, soit qu’il crût qu’il n’en étoit pas encore temps, il ne le voyoit que les matins, quelque temps à son lit, et plus du tout de la journée, hors les fonctions d’apparat.

Pendant l’enregistrement je promenoir mes yeux doucement de toutes parts, et, si je les contraignis avec constance,